Série Une proposition à la loupe. En promettant de défiscaliser les pensions alimentaires perçues à 97% par des femmes, la candidate Les Républicains s'aligne sur une revendication de gauche, dernièrement portée par l'ONG Oxfam ou l'économiste féministe Céline Piques.
C'est une mesure de justice sociale pourtant glissée dans la section au nom très droitier de « Refaire de la famille un pilier de la Nation » du programme de Valérie Pécresse. La candidate Les Républicains (LR) propose de « soutenir les familles monoparentales en défiscalisant les pensions alimentaires, en particulier celles des mères ». Comme le rappelle la proposition, 97% des bénéficiaires des pensions alimentaires sont des femmes et ces mères perdent en moyenne 20% de leur niveau de vie à l'occasion d'une séparation.
Actuellement, les pensions alimentaires versées par le père de l'enfant du couple séparé sont considérées par le fisc comme une source de revenus pour la mère. Laquelle est donc taxée sur la somme perçue. Du côté de celui qui verse la pension, au contraire, la somme est déductible de son revenu imposable. En d'autres termes, le père qui verse à son ex-conjointe de quoi subvenir aux besoins de leur enfant se retrouve fiscalement favorisé par rapport à la mère.
En décembre 2021, à l'occasion de la publication de son Manifeste fiscal, juste, vert et féministe, l'ONG Oxfam France proposait également, parmi 15 idées pour plus d'équité devant l'impôt, la défiscalisation des pensions alimentaires. « Le système, traduit une vision archaïque du couple séparé, où la pension alimentaire versée par l’ex conjoint (dans 97% des cas un homme) est considérée comme un revenu pour l’autre conjoint (dans l’immense majorité des cas, une femme) et non simplement comme la nécessité pour le père de concourir à l’éducation de ses enfants, comme il le ferait dans un couple marié et/ou pacsé », arguait l'ONG.
Perte de prestations sociales
Laquelle soulevait une « double peine » des femmes en la matière, en raison de seuils de quotient familial : « Elles doivent non seulement intégrer les montants perçus dans leur revenu imposable et donc payer plus d’impôts, alors qu’il ne s’agit pas de leur revenu, mais d’une participation de l’ex-conjoint destiné à l’éducation de leur enfant ; mais elles peuvent aussi, par ce biais, perdre le bénéfice de certaines prestations sociales, comme par exemple l’aide au logement. »
Cette injustice est également dans le viseur de l'économiste et porte-parole d'Osez le féminisme Céline Piques, qui revient dessus dans Déviriliser le monde, à paraître le 17 février aux éditions Rue de l'Echiquer. L'autrice s'appuie sur un rapport sur le régime fiscal des pensions alimentaires publié en 2019 par la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale. La première des recommandations de ce rapport proposait de « mettre immédiatement en place un mécanisme correctif pour s’assurer que le versement effectif de la pension alimentaire n’aboutit pas à une baisse du revenu disponible du parent gardien ». Un avis qui n'a pas été suivi d'effets, le gouvernement ayant tout misé dans la mise en place de sa loi permettant de lutter via la CAF contre les impayés de ces pensions, qui sont l'autre grosse embûche pour les mères célibataires.
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