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Comment la figure de Bilal Hassani fait du bien aux jeunes hommes gays

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@gaidigphotography

Traité par le chroniqueur Matthieu Delormeau de « follasse », le chanteur Bilal Hassani débarque ce 17 septembre dans Danse avec les stars. En assumant son excentricité éblouissante autant que son homosexualité, le jeune homme d'origine maghrébine est, malgré l'homophobie ordinaire, devenu un modèle pour de nombreux jeunes hommes du pays.

« Je n’ai rien contre Bilal Hassani mais un mec qui a une perruque et des faux cils, désolé, mais je ne me reconnais pas en ce style de gay. » Lundi 6 septembre dernier, sur le plateau de Touche Pas à Mon Poste, Matthieu Delormeau commentait la participation de Bilal Hassani dans la nouvelle édition de Danse Avec Les Stars qui démarre ce vendredi. Le chroniqueur s’est agacé que le chanteur soit le premier homme de l’émission à danser avec un autre homme en pointant du doigt l’esthétique de Bilal Hassani qui se présente sur scène comme sur ses réseaux sociaux avec des perruques et un maquillage spectaculaire. Pour lui, l’émission a choisi de sélectionner un homme gay comme le chanteur car « il faut que lorsque les gens regardent la télé, ils se disent " tiens, je reconnais le gay " parce que s'il est " normal " on ne reconnait pas qu’il est gay. » Ainsi, la présence de Bilal Hassani dans Danse Avec Les Stars ne serait pas due à son talent ni à sa popularité mais plutôt à une image de « follasse », telle qu'attendue par des médias télé qui préfèrent les images stéréotypées des LGBT+. De son côté, l'artiste s'est contenté de répondre à la violence de cette insulte homophobe avec un selfie de lui-même habillé d'une robe et d'une longue perruque blonde. Divin, comme toujours.

Matthieu Delormeau considère qu'il y a une surreprésentation des hommes gays efféminés. « Ça fait 20 ans que la télévision montre des homosexuels totalement caricaturaux ,déplore-t-il. Et quand ça arrive, quand deux garçons dansent ensemble, c’est Bilal Hassani. » Ses propos ont suscité une vague d’indignation sur les réseaux sociaux. Pour de nombreux internautes, ils relèvent d’une homophobie intériorisée, « Quand un homme gay a intériorisé l’homophobie cela donne Delormeau ! Vieille rhétorique où un homme gay se doit de rester viril, on souffle », dénonce une internaute sur Twitter

Follophobie intériorisée

Pour Lucile Jomat, présidente de SOS Homophobie, l’intervention du chroniqueur illustre un problème qu'elle connait bien : « Ses propos sont follophobes. C’est quelque chose qui est très présent dans la communauté gay » explique-t-elle.  La follophobie, c'est le rejet des hommes qui présentent des attitudes jugées socialement comme féminines. Dans une société patriarcale, la communauté gay n’y échappe pas, la fluidité de genre est mal perçue par certain·es. De fait, des personnalités comme Bilal Hassani ou encore Lil Nas X aux Etats-Unis, dérangent, même au sein de leur propre communauté.

Au-delà de la follophobie ordinaire de Delormeau, le chroniqueur a-t-il raison de s'inquiéter de la représentation des hommes gays à la télévision ? Pour l’animateur Laurent Ruquier, interrogé par Causette, il n’y a pas vraiment de débat la dessus. « Je ne pense pas qu'il y ait une représentation uniforme des gays à la télévision parce qu’il y a autant de gays que d’individus, explique-t-il. Mais je remarque quand même qu’il y a de plus en plus de personnalités qui sont " out " et c'est très bien car ça donne la possibilité à plus de monde de pouvoir s'identifier.» En d'autres termes, Bilal Hassani ne représente pas tous les homosexuels de France, il ne représente que lui-même et sa façon d’être. Il y a aujourd’hui des personnalités exubérantes comme Jarry, animateur de l'émission Good singers sur TF1 et d’autres plus discrètes tel que le député LREM Mounir Mahjoubi qui en 2018, posait avec son compagnon pour Paris Match. Chacun s'identifie à la personnalité qui lui ressemble le plus. Par ailleurs, Lucile Jomat remarque que dans le paysage médiatique, les homosexuels sont plus présents et prennent plus la parole sur leur sexualité qu’avant. « Dans les émissions de télévision et même dans l’art, les chanteurs se déclarent homosexuels plus fréquemment qu’avant et c’est super, on commence à avoir une certaine diversité des représentations.» Pour la présidente de SOS Homophobie il est donc aussi important de voir à la télévision Laurent Ruquier que Bilal Hassani. 

"Bilal est la première réelle représentation de cette ampleur qu'on a eu. Si vous comprenez pas ça, c'est sûrement que vous êtes pas maghrébins et queer"

Un internaute

L'influence du chanteur ne se cantonne pas à la communauté gay, le champs est bien plus étendu. « On sait qu’il y a une portion importante de jeunes qui s’identifient comme non-binaire, il y a une fluidité de genre qui est plus importante et ils ont faim d’une représentation comme celle de Bilal Hassani », explique Lucile Jomat. De plus, ses origines marocaines ont permis à de nombreuses personnes en France de pouvoir s'identifier : « Bilal Hassani a eu un impact énorme sur la visibilité des personnes maghrébines & queer dans ce pays, explique un internaute. Il est la première réelle représentation de cette ampleur qu'on a eu. Si vous comprenez pas ça, c'est sûrement que vous êtes pas maghrébins et queer, donc taisez vous. »

D'autres en revanche rejoignent les propos de Matthieu Delormeau. Sur Twitter, certain·es ont exprimé leur crainte de voir la communauté gay stigmatisée et cantonnée aux rôles « d'excentriques » à la télévision. Mais Bilal Hassani n'a jamais demandé à devenir le représentant des homosexuels de France. Si son influence s'est autant étendue, c'est probablement grâce au bien que sa présence fait à de nombreux jeunes, souligne Lucile Jomat. « Pour certaines personnes, ne pas se sentir représentées c’est une forme de violence. Bilal Hassani a aidé de nombreux jeunes à s'assumer, il ne faut pas l'oublier. » Plus encore, la présence de ces personnalités toutes différentes dans le paysage médiatique permet une meilleure exposition des luttes de la communauté gay. Dans ce contexte, pour Laurent Ruquier c'est une nécessité. « À ma manière, je suis militant car j'aide des personnes qui s'identifient à moi, c'est pareil pour Bilal Hassani, explique-t-il. Et quand j'entends des discours comme ceux de Zemmour1, je me dis qu'on devrait passer moins de temps sur le cas Matthieu Delormeau. Il faudrait plutôt concentrer nos énergies sur les vrais ennemies comme Zemmour. »

  1. Il fait référence au débat qu'il a eu avec Eric Zemmour, samedi 11 septembre 2021, sur le plateau d'On est en direct, sur France 2[]
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