Comme nombre de proches de victimes du terrorisme, la journaliste Camille Emmanuelle a développé des symptômes post-traumatiques en 2015, après que son mari – le dessinateur Luz – a survécu à l’attentat de Charlie Hebdo. Elle raconte cette réalité oubliée dans Ricochets (Grasset), en plein procès du 13 novembre.

Causette : À partir de quand avez-vous réalisé être victime par ricochet ?
Camille Emmanuelle : C’est un processus. La première fois que j’entends l’expression, c’est le jour même des attentats. Le 7 janvier 2015. J’accompagnais Luz au premier entretien post-traumatique à l’hôpital Hôtel-Dieu, dans le cadre d’une cellule d’urgence médico-psychologique. Luz a délivré son récit à la psy. À la fin, elle s’est tournée vers moi et m’a demandé : « Et vous, comment allez-vous ? » Je n’ai pas compris la question, car j’étais celle qui accompagnait. Elle m’a parlé de l’expression « victime par ricochet ». Le reste de l’année 2015, j’ai complètement zappé cette question. J’étais dans l’action pour accompagner mon mari dans ce tsunami. C’est plus tard, en 2016–2017, que j’ai pu réfléchir à ce qui s’était passé non plus pour nous, mais pour moi. Là, j’ai cherché de la littérature sur le sujet et je n’ai pas trouvé. Il y a beaucoup de livres sur la résilience des victimes. J’ai par exemple lu tout Boris Cyrulnik. Mais je ne trouvais rien sur les proches de victimes. Pourtant, j’avais aussi des symptômes. Ça n’allait pas.
Comment ces symptômes se manifestaient-ils ?
C. E. : Je ne me sentais pas légitime dans ma douleur. Je n’étais pas[…]