Amitiés hommes-​femmes : être potes après #MeToo

Si on s’est col­lec­ti­ve­ment mis·es à décons­truire le couple et les sexua­li­tés hété­ros, un autre type de rela­tion avec les hommes est pas­sé sous les radars : l’amitié. Pourtant, la révo­lu­tion fémi­niste offre des pers­pec­tives néces­saires pour bâtir des ami­tiés mixtes plus éga­li­taires et plus profondes.

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© Lucie Gibierge pour Causette 

Le best-​seller fémi­niste de l’année parle du sujet le plus écu­lé du monde (qu’il dépous­sière comme jamais) : l’amour hété­ro. Dans Réinventer l’amour, l’un des suc­cès de la der­nière ren­trée lit­té­raire, Mona Chollet fait le vœu de pro­duire un « dis­cours public qui rompe l’isolement » des femmes dans « le huis clos amou­reux », où le lien avec les hommes, s’il est volon­taire et empreint d’affection, « est bel et bien empoi­son­né par la domi­na­tion ». Il existe un autre type de rela­tion affec­tive liant les hommes et les femmes, qui méri­te­rait lui aus­si de se réin­ven­ter, mais qui reste pour l’instant un angle mort du chan­tier de décons­truc­tion de nos rela­tions : l’amitié.

À en croire les maga­zines fémi­nins, la lit­té­ra­ture et même la pop culture, elle serait presque impos­sible, for­cé­ment para­si­tée par une incon­tour­nable envie de séduc­tion qui écra­se­rait toute forme de lien authen­tique et dénué d’ambiguïté. Pauline Le Gall, jour­na­liste culture et autrice d’un essai sur les ami­tiés fémi­nines dans les films et les séries, Utopies fémi­nistes sur nos écrans (Éd. Daronnes), en librai­rie le 27 mai, le constate encore après #MeToo. « Le fameux “Will they, won’t they?” [vont-​ils le faire ou non ?, ndlr] est un arc nar­ra­tif très com­mun, qui veut qu’un ami et une amie vont for­cé­ment finir ensemble. C’est le cas depuis Quand Harry ren­contre Sally. Et ça a infu­sé nos ima­gi­naires. » Signe des temps, quelques excep­tions viennent bri­ser la règle et redon­ner à l’amitié entre un homme et une femme le grand A qu’elle mérite.

Révolution fémi­niste

Comme la série fran­çaise Platonique, dif­fu­sée sur OCS début mai et consa­crée à l’amitié mixte. L’intrigue : deux ami·es fraî­che­ment séparé·es s’installent ensemble pour « faire famille entre amis ». Il·elle ont chacun·e un enfant et décident de se mettre en coloc pour les éle­ver. Sans finir ensemble. Doit-​on ces nou­velles repré­sen­ta­tions à la révo­lu­tion fémi­niste ? Nous permettrait-​elle enfin de rela­tion­ner avec l’autre genre sans sous-​entendu et de façon non seule­ment plus pro­fonde, plus tendre mais aus­si plus égalitaire ?

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© Lucie Gibierge pour Causette

Celles et ceux qui ont emprun­té ce che­min en appli­quant les réflexions post-#MeToo aux rela­tions avec leurs potes prouvent que ça en vaut la peine. Il faut écou­ter Camille, la qua­ran­taine, qui a décou­vert, grâce à ses copains du groupe
de cho­rale, qu’elle pou­vait évo­quer le viol qu’elle a subi en étant « vrai­ment écou­tée et sou­te­nue » par des hommes. Sofiane, 21 ans, qui a su poser les bonnes
ques­tions à une amie dans une rela­tion abu­sive pour l’aider à en sor­tir. Adèle 1, 28 ans, dont les deux potes d’enfance pour­tant « mâles alpha » se sont mis
à lui faire des bouillottes pour sou­la­ger sa dou­leur pen­dant ses règles. Amine 1, 36 ans, qui a accep­té « la part de ten­dresse » dans l’amitié. Sophie 1, 29 ans, qui ose désor­mais dire « t’es beau » à ses copains hété­ros. Ou Stéphane, 43 ans, qui a ouvert sa « fenêtre de fra­gi­li­té » dans ses conver­sa­tions avec ses amies. « Ça change des dis­cus­sions bou­lot ou sur mes marathons. »

Derrière les « good guys »

Réinventer l’amitié avec les hommes au prisme du fémi­nisme sup­pose d’abord qu’ils se réin­ventent eux-​mêmes. Daisy Letourneur, autrice fon­da­trice du blog La Mecxpliqueuse (dont le but est de décons­truire les mas­cu­li­ni­tés) et mili­tante fémi­niste, trans, les­bienne, publie le 5 mai On ne naît pas mec (Éd. La Découverte). « La pre­mière chose à remettre en ques­tion, débute-​t-​elle, c’est le concept de friend­zone, qui va main dans la main avec celui de good guy. Il s’agit de l’idée que les hommes qui se voient comme de gen­tils gar­çons man­que­raient de[…]

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