fbpx
Causette Magazine Cynthia R Matonhodze Zimbabwe 02
L’équipe de Bustop TV tourne un sketch à Mukafose, banlieue d’Harare. De gauche à droite : Sharon Chideu, Samantha Kureya, Lucky Aaroni, et Derek Nziyakwi.© Cynthia R. Matonhodze pour Causette

Zimbabwe : des humo­ristes dénoncent le pouvoir

Face à un pays exsangue et un gou­ver­ne­ment répres­sif, des voix dis­si­dentes s’élèvent. Sur Internet et les réseaux sociaux, des humo­ristes dénoncent avec audace les dérives du pou­voir. Parmi eux, Magi et Gonyeti, bur­lesques, culot­tées et engagées. 

Dans les rues d’Harare, la capi­tale zim­babwéenne, le pas­sage du mini­bus rouge, peint de lettres jaunes et d’icônes de réseaux sociaux, déclenche quelques sou­rires et signes de la main sur les trot­toirs. Avec ses sketchs humo­ris­tiques et son art de mettre les pieds dans le plat, l’équipe de Bustop TV et ses deux comé­diennes stars, Magi et Gonyeti, ont acquis un capi­tal de popu­la­ri­té crois­sant, dans un pays où les rai­sons de rire sont rares. « Dans notre culture, dans les moments de mal­heur ou de deuil, quelqu’un – géné­ra­le­ment un ami proche – prend la parole et fait des blagues pour détendre l’atmosphère, ten­ter d’apaiser la dou­leur, explique Sharon Chideu, 27 ans, alias Magi. Nous fai­sons la même chose pour notre société. »

Le Zimbabwe et ses 17 mil­lions d’habitant·es avaient pour­tant rêvé de moments moins sombres. En novembre 2017, Robert Mugabe, héros de l’indépendance du pays deve­nu auto­crate, est pous­sé vers la sor­tie par l’armée après presque quatre décen­nies au pou­voir. Une brève période d’euphorie s’ensuit. Elle est de courte durée. Emmerson Mnangagwa, le suc­ces­seur et ancien bras droit du chef de l’État, est élu en juillet 2018, à l’issue d’un scru­tin contes­té, mar­qué par la répres­sion vio­lente d’une mani­fes­ta­tion pen­dant l’attente des résul­tats. Le pays est asphyxié par la crise après deux décen­nies de mesures popu­listes prises par l’ancien pré­sident et son entou­rage cor­rom­pu. Et, un an et demi après la chute de Robert Mugabe, les espoirs de chan­ge­ments semblent déjà loin. 

Métaphores et autodérision

« Avec le départ de Mugabe, j’avais pen­sé qu’on avait fait un pas dans la bonne direc­tion pour l’économie, pour les liber­tés indi­vi­duelles, admet Magi, longues tresses atta­chées sur le haut de la tête, lunettes rec­tan­gu­laires et petit pier­cing dans le nez. Mais fina­le­ment, ce sont les mêmes qui sont au pou­voir. » La répres­sion de toute oppo­si­tion se pour­suit sous le nou­veau régime. « J’aimerais que l’on puisse se moquer ouver­te­ment du pré­sident et de la situa­tion poli­tique, comme nous plai­san­tons à pro­pos de nous-​mêmes ou de choses qui nous touchent, ajoute Samantha Kureya, 32 ans, grande gueule, mieux connue sous son nom de scène Gonyeti, ou “gros camion”. Mais ce n’est pas le cas. Alors, on uti­lise des moyens détour­nés, des méta­phores. » 

Causette Magazine Cynthia R Matonhodze Zimbabwe 04
La déri­sion est le leit­mo­tiv de l’équipe Bustop TV.
De gauche à droite : Magi, Derek Nziyakwi et Gonyeti.
© Cynthia R. Matonhodze pour Causette

La frus­tra­tion trop longtemps[…]

La suite est réservée aux abonné·es.

identifiez-vous pour lire le contenu
Ou
Abonnez-vous à partir de 1€ le premier mois
Partager
Articles liés
121 reportage Inde exploitées jusqua luterus  Chloé Sharrock

Inde : exploi­tées jusqu'à l'utérus

Dans le centre-ouest de l’Inde, des milliers de coupeuses de canne à sucre sont victimes d’hystérectomies abusives. Pour le grand bénéfice des médecins, à qui ces coups de scalpel assurent des revenus juteux, mais aussi de leurs employeurs, qui...