Elles sont nombreuses à résister activement à l’envahisseur. Et le sont bien plus à courir de graves dangers sur les routes de l’exil. Qu’elles aient fui les bombardements ou qu’elles soient restées au pays, les Ukrainiennes se retrouvent, elles aussi, en première ligne de ce conflit.
D’un côté, des images de femmes qui fuient massivement l’Ukraine, enfants sous le bras. De l’autre, des clichés d’Ukrainiennes restant combattre aux côtés des hommes – qui, eux, n’ont pas eu le choix. Comme ces sept femmes qui, le 8 mars, ont posté une vidéo où elles se mettent en scène, armes à la main, en promettant de « détruire l’ennemi ». Ou Anastasiia Lenna, Miss Ukraine 2015, qui s’affiche en armes sur Instagram et veut montrer que « la femme ukrainienne est forte, confiante, puissante ».
15 % de femmes dans l’armée
Dans une guerre qui se joue, aussi, sur le terrain médiatique, le symbole est fort. Mais reflète-t-il la réalité du terrain ? Selon la députée Alyona Shkrum (Union panukrainienne « Patrie »), interrogée par Causette, l’armée ukrainienne compte 32 000 femmes, soit 15 % des effectifs. Une présence significative, donc, qui s’explique par l’histoire récente du pays.
« Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’en 2014, quand la Russie a lancé une offensive militaire (d’abord par l’envoi de forces spéciales en Crimée, puis à l’est du pays), l’armée ukrainienne était impréparée et quasi totalement démilitarisée. Au total, seuls six mille hommes étaient prêts à être mobilisés. La défense du pays s’est donc organisée à partir de bataillons de volontaires mixtes, qui sont partis combattre à l’est, avec le soutien de l’État et d’une grande mobilisation au sein de la société. Ces bataillons ont ensuite été intégrés à l’armée régulière, qui s’est formée ad hoc », explique Anastasia Fomitchova, chercheuse en sciences politiques, qui a travaillé sur ces bataillons de volontaires. Après quoi, certaines Ukrainiennes ont commencé à militer pour que la participation des femmes et leur statut dans les forces armées soient davantage reconnus. Par exemple, à travers le projet Invisible Battalion, qui a permis de documenter et faire connaître le rôle de ces combattantes, mais aussi de lutter contre certaines discriminations – à la suite de ce lobbying, en 2018, le nombre de métiers ouverts aux femmes dans l’armée a notamment été étendu.
Mais les femmes ne sont pas seulement présentes dans l’institution militaire. Selon différentes estimations, elles représenteraient actuellement de 20 à 30 % des forces mobilisées dans la défense territoriale (qui réunit les forces civiles). « De manière générale, les institutions de la défense mobilisent les compétences individuelles : il faut aussi bien des mécaniciens que des paramédics, des médecins, des cuisinières… Ces femmes peuvent donc avoir été professeure ou femme au foyer avant la guerre », résume Anastasia Fomitchova, qui a elle-même rejoint le front, où elle œuvre bénévolement comme secours « paramédic ». Un terrain où, toutefois, les rôles restent relativement genrés. « Forcément, car cette organisation s’appuie sur les compétences préexistantes. On compte plus d’hommes que de femmes combattantes. Mais le choix du poste résulte également de la volonté de chacune, et il n’y a pas de discrimination », observe-t-elle. Ce qu’est venue rappeler la mort de l’écrivaine Iryna Tsvila, vétérane du Donbass tombée au combat, avec son mari, le 24 février.