Témoignage de Clément*, pâtissier français émigré.
« Officiellement, le confinement n’a jamais été annoncé comme tel à Singapour. Mais dans les faits, on y est. Les écoles ont fermé, la plupart des commerces aussi. Depuis le mois d’avril, l’armée et la police, qu’on voyait habituellement dans le métro, ont été remplacées par des employés de Singapour Airlines [la compagnie aérienne nationale, ndlr], chargés de faire respecter la distanciation sociale. Pour pouvoir entrer dans les supermarchés, on doit d’abord scanner sa carte d’identité ou un QR Code. Et notre température est prise – par un employé ou par une caméra thermique – à l’entrée des centres commerciaux, des supermarchés, au travail ou dans certaines gares.
Ici, c’est ce qu’on peut appeler une “dictature bienveillante”. Tu ne te sens pas oppressé par une force répressive, mais tu sais que tu es surveillé. Il y a un certain niveau de paranoïa dans la ville. Par exemple, il y a des “conseils de quartier”, des sortes de milices d’habitants qui patrouillent dans les rues pour vérifier que tout le monde respecte les règles liées au Covid-19. La délation est perçue comme un acte civique. D’ailleurs, il existe une application officielle, OneService, pour dénoncer directement ton voisin en envoyant des photos et des vidéos. Et puis il y a TraceTogether, l’appli qui permet de suivre tes déplacements et de savoir si tu as été en contact avec des personnes infectées. Depuis le 12 mai, je suis obligé de l’avoir, comme tous les gens qui se déplacent sur leur lieu de travail. On fait avec. Et on sait que, sinon, on pourrait vite avoir des problèmes, comme c’est arrivé à des Français qui n’ont pas respecté leur quarantaine préventive et qui se sont fait expulser sur-le-champ. »
* Le prénom a été modifié.