En Espagne, les député·es ont voté, jeudi 26 mai, en faveur d’un texte pour durcir la loi contre le viol, en y introduisant la notion de consentement sexuel explicite. Grande promesse du gouvernement de gauche, cette mesure place l’Espagne en avance sur ses voisins européens.
C’est une victoire historique. « Solo si es si » (seul un oui est un oui), le mantra espagnol défendu depuis 2018 en Espagne par des associations féministes, a enfin été gravé dans le marbre. Les député·es de la péninsule ibérique ont voté le jeudi 26 mai l’introduction du « consentement sexuel explicite » dans le Code Pénal. Un texte déjà adopté en Conseil des ministres au printemps 2020, qui permet de solidifier la loi contre le viol en considérant tout acte sexuel non consenti de manière claire et libre comme un viol, et non plus comme un abus sexuel. Cela signifie que la notion de contrainte n’aura pas à être prouvée, comme c’est actuellement le cas en France. Ce projet de loi « Solo si es si » comprend également l’interdiction de la publicité promottant la pornographie et la création d'un délit de harcèlement de rue.
La ministre de l’Egalité, Irene Montero, a salué l’introduction de la mesure sur son compte Twitter : « Aujourd’hui est un grand jour pour toutes les femmes. L’Assemblée a approuvé avec une large majorité la loi "Seul un oui est un oui". Nous le devions à toutes les victimes de violences sexuelles et nous laissons ainsi un meilleur présent et avenir à nos filles, sœurs et amies. »
Le texte a en effet été voté par une large majorité : 201 votes pour, 140 contre – principalement des députés de Vox (extrême droite) et du Parti populaire (droite) – et trois abstentions. Il doit désormais être approuvé par le Sénat avant d’être adopté.
Un vrai tournant dans la loi espagnole
C’est une grande promesse du gouvernement de coalition de gauche pour lutter contre les violences sexuelles qui a été actée. En plus d’effacer la distinction entre abus sexuel et agression sexuelle, cette mesure entraîne un changement de paradigme total des violences sexuelles. Désormais, on ne s'intéresse plus à la façon dont les femmes réagissent ou résistent à l'agression, mais bien à leur volonté, comme le souligne le quotidien espagnol El Pais. La porte-parole du gouvernement María Jesús Montero, l’expliquait lors de la présentation du texte en Conseil des ministres en juillet 2021 : le but est de rendre « clair le fait que le silence ou la passivité ne signifient pas consentement. »
Irene Montero a également rappelé que cette loi est « un pas décisif pour changer la culture sexuelle de notre pays. Une culture éloignée de la honte, de la faute et de la peur. » En introduisant cette loi, elle souhaite « créer une culture du consentement ». Avec fougue, la ministre a assuré devant les député·es que le gouvernement de gauche ferait tout pour « étendre et consolider les droits des femmes, pour construire une nouvelle génération de droits qui rompe avec les racines de l’inégalité et du patriarcat. »
Une affaire de viol à l’origine du durcissement de la loi
Le moteur de cette mesure remonte à 2018. Le souhait d’introduire la notion de « consentement sexuel explicite » dans la loi fait en effet écho à l’affaire dite de « La Meute ». Cinq hommes avaient été condamnés à neuf ans de prison en 2018 pour « abus sexuels », et non pour viol en réunion, sur une jeune femme de 18 ans qui avait été agressée lors des fêtes de Pampelune en 2016. Le verdict avait entraîné des vagues de manifestations dans tout le pays et provoqué la colère de nombreux·ses Espagnol·es. Le tribunal suprême espagnol avait finalement requalifié la condamnation en 2019 : les cinq coupables avaient vu leur peine s’aggraver à 15 ans de prison, cette fois-ci pour des faits de viols.
Pour rappel, la notion de consentement n’est pas inscrite dans la définition du viol en France. Le Code pénal considère comme viol tout acte de pénétration sexuelle ou acte bucco-génital commis par violence, contrainte, menace ou surprise.