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©Michael Parulava

Russie : un dépu­té de la Douma pro­pose une loi pour faire du fémi­nisme « une idéo­lo­gie extrémiste »

Selon le Daily Beast, Oleg Matveychev aurait récem­ment rédi­gé une pro­po­si­tion de loi visant à faire du fémi­nisme une « idéo­lo­gie extrémiste ».

D’après le Daily Beast, Oleg Matveychev, dépu­té de la Douma (la chambre basse de l’Assemblée fédé­rale de Russie) aurait rédi­gé une pro­po­si­tion de loi visant à faire du fémi­nisme une « idéo­lo­gie extré­miste ». Selon un article publié par le site russe Gazeta et daté du 4 avril, Oleg Matveychev a détaillé sa pen­sée décla­rant que les fémi­nistes russes « ne sont que des agents de l’occident ». Pour le dépu­té, les mili­tantes sont déter­mi­nées à détruire « les valeurs tra­di­tion­nelles russes ».

« Leurs acti­vi­tés sont contraires au décret pré­si­den­tiel sur le sou­tien des valeurs tra­di­tion­nelles, a‑t-​il pour­sui­vi. [Les fémi­nistes] sont pour le divorce, choi­sissent de ne pas avoir d’enfants et sont pour l’avortement. Elles agissent contre la poli­tique démo­gra­phique de la Fédération de Russie. » Selon le site russe, la pro­po­si­tion de loi de Matveychev est actuel­le­ment exa­mi­née par la Commission d’enquête sur l’ingérence étran­gère dans les affaires inté­rieures de la Russie. Elle sera sou­mise au vote de la Douma en cas de conclu­sion posi­tive de cette dernière.

Dans son article consa­cré à l'initiative de Matveychev, Gazeta.ru fait réagir l'écrivaine russe et fémi­niste Maria Arbatova. Cette der­nière conspue une pro­po­si­tion de loi « absurde » et « extré­miste », visant à « humi­lier la majo­ri­té des femmes en Russie », qui adhèrent selon elle aux valeurs fémi­nistes. « Les femmes qui ne se disent pas fémi­nistes en Russie pré­fèrent tou­jours rece­voir des salaires égaux à ceux des hommes, avoir des droits égaux lorsqu'elles accèdent au pou­voir, lorsqu'elles choi­sissent une pro­fes­sion, lorsqu'il y a des pro­blèmes sur le mar­ché du tra­vail », argue-​t-​elle.

Si rien n’a été confir­mé pour l’heure par des agences de presse inter­na­tio­nales, ce ne serait pas la pre­mière prise de posi­tion sur­réa­liste de Matveychev. Il avait ain­si exi­gé à la télé­vi­sion russe en mars 2022 que les États-​Unis res­ti­tuent « toutes les pro­prié­tés russes, celle de l’empire russe, de l’Union sovié­tique et de la Russie actuelle », fai­sant réfé­rence à l’Alaska mais aus­si à une par­tie de la Californie – briè­ve­ment russe au cours du XIXe siècle. Il sou­hai­tait aus­si récu­pé­rer l’Antarctique. « Nous l’avons décou­vert, donc il nous appar­tient », avait-​il argu­men­té, selon le Daily Mail.

D’autant que cette pro­po­si­tion de loi inter­vient après l’inculpation de Daria Trepova. La jeune femme de 26 ans, dépeinte comme une mili­tante fémi­niste radi­cale par le média russe Abzats, a été incul­pée hier pour par­ti­ci­pa­tion à « un acte ter­ro­riste en groupe orga­ni­sé » et pour « déten­tion illé­gale d’explosifs ». Elle est accu­sée d’être à l’origine de l’explosion qui a tué dimanche le célèbre blo­gueur russe Maxime Fomine, connu sous le pseu­do­nyme de Vladlen Tatarskii. Il était atta­blé dans un café du centre de Saint-​Pétersbourg où il don­nait une confé­rence au nom de l’organisation bap­ti­sée « Cyber Z Front » favo­rable à l’offensive en Ukraine lorsque Daria Trepova est entrée, a avan­cé vers lui pour lui offrir une sta­tuette à son effi­gie. Cette der­nière, rem­plie d’explosifs, a alors explo­sé, tuant le blo­gueur et bles­sant vingt-​cinq personnes.

Les auto­ri­tés russes ont accu­sé l’Ukraine et l’organisation de sou­tien à l’opposant russe empri­son­né Alexeï Navalny d’avoir orga­ni­sé l’attentat. Des accu­sa­tions démen­ties par Kiev. Si Daria Trepova a admis auprès des enquêteur·rices russes avoir appor­té la sta­tuette à Maxime Fomine, elle n’a pas évo­qué de lien avec l’Ukraine. Elle risque la réclu­sion à perpétuité.


Il y a quatre ans, l’Arabie Saoudite consi­dé­rait le fémi­nisme comme une forme d’extrémisme

La Russie ne serait pas le pre­mier pays à vou­loir éri­ger le fémi­nisme comme une « idéo­lo­gie extré­miste ». En novembre 2019, les auto­ri­tés saou­diennes indi­quaient, dans une vidéo dif­fu­sée sur Twitter par l’agence de sécu­ri­té de l’État ain­si que dans les colonnes du quo­ti­dien Al-​Watan, que « la direc­tion de la lutte contre l’extrémisme, diri­gée par la sécu­ri­té de l’État, a ins­crit le fémi­nisme sur la liste des idées extré­mistes. […] Toute per­sonne qui se pro­nonce en faveur de ces idées tombe sous le coup de la loi pénale. […] Une fémi­niste qui en parle sur Twitter, par exemple, pour­rait se voir accu­sée de pro­vo­quer l’opinion publique et l’incitation au trouble public » rap­por­tait Courrier inter­na­tio­nal à l’époque. Le gou­ver­ne­ment saou­dien avait fina­le­ment rétro­pé­da­lé le len­de­main, démen­tant les pro­pos tenus et sup­pri­mant la vidéo.

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