Selon le Daily Beast, Oleg Matveychev aurait récemment rédigé une proposition de loi visant à faire du féminisme une « idéologie extrémiste ».
D’après le Daily Beast, Oleg Matveychev, député de la Douma (la chambre basse de l’Assemblée fédérale de Russie) aurait rédigé une proposition de loi visant à faire du féminisme une « idéologie extrémiste ». Selon un article publié par le site russe Gazeta et daté du 4 avril, Oleg Matveychev a détaillé sa pensée déclarant que les féministes russes « ne sont que des agents de l’occident ». Pour le député, les militantes sont déterminées à détruire « les valeurs traditionnelles russes ».
« Leurs activités sont contraires au décret présidentiel sur le soutien des valeurs traditionnelles, a‑t-il poursuivi. [Les féministes] sont pour le divorce, choisissent de ne pas avoir d’enfants et sont pour l’avortement. Elles agissent contre la politique démographique de la Fédération de Russie. » Selon le site russe, la proposition de loi de Matveychev est actuellement examinée par la Commission d’enquête sur l’ingérence étrangère dans les affaires intérieures de la Russie. Elle sera soumise au vote de la Douma en cas de conclusion positive de cette dernière.
Dans son article consacré à l'initiative de Matveychev, Gazeta.ru fait réagir l'écrivaine russe et féministe Maria Arbatova. Cette dernière conspue une proposition de loi « absurde » et « extrémiste », visant à « humilier la majorité des femmes en Russie », qui adhèrent selon elle aux valeurs féministes. « Les femmes qui ne se disent pas féministes en Russie préfèrent toujours recevoir des salaires égaux à ceux des hommes, avoir des droits égaux lorsqu'elles accèdent au pouvoir, lorsqu'elles choisissent une profession, lorsqu'il y a des problèmes sur le marché du travail », argue-t-elle.
Si rien n’a été confirmé pour l’heure par des agences de presse internationales, ce ne serait pas la première prise de position surréaliste de Matveychev. Il avait ainsi exigé à la télévision russe en mars 2022 que les États-Unis restituent « toutes les propriétés russes, celle de l’empire russe, de l’Union soviétique et de la Russie actuelle », faisant référence à l’Alaska mais aussi à une partie de la Californie – brièvement russe au cours du XIXe siècle. Il souhaitait aussi récupérer l’Antarctique. « Nous l’avons découvert, donc il nous appartient », avait-il argumenté, selon le Daily Mail.
D’autant que cette proposition de loi intervient après l’inculpation de Daria Trepova. La jeune femme de 26 ans, dépeinte comme une militante féministe radicale par le média russe Abzats, a été inculpée hier pour participation à « un acte terroriste en groupe organisé » et pour « détention illégale d’explosifs ». Elle est accusée d’être à l’origine de l’explosion qui a tué dimanche le célèbre blogueur russe Maxime Fomine, connu sous le pseudonyme de Vladlen Tatarskii. Il était attablé dans un café du centre de Saint-Pétersbourg où il donnait une conférence au nom de l’organisation baptisée « Cyber Z Front » favorable à l’offensive en Ukraine lorsque Daria Trepova est entrée, a avancé vers lui pour lui offrir une statuette à son effigie. Cette dernière, remplie d’explosifs, a alors explosé, tuant le blogueur et blessant vingt-cinq personnes.
Les autorités russes ont accusé l’Ukraine et l’organisation de soutien à l’opposant russe emprisonné Alexeï Navalny d’avoir organisé l’attentat. Des accusations démenties par Kiev. Si Daria Trepova a admis auprès des enquêteur·rices russes avoir apporté la statuette à Maxime Fomine, elle n’a pas évoqué de lien avec l’Ukraine. Elle risque la réclusion à perpétuité.
Il y a quatre ans, l’Arabie Saoudite considérait le féminisme comme une forme d’extrémisme
La Russie ne serait pas le premier pays à vouloir ériger le féminisme comme une « idéologie extrémiste ». En novembre 2019, les autorités saoudiennes indiquaient, dans une vidéo diffusée sur Twitter par l’agence de sécurité de l’État ainsi que dans les colonnes du quotidien Al-Watan, que « la direction de la lutte contre l’extrémisme, dirigée par la sécurité de l’État, a inscrit le féminisme sur la liste des idées extrémistes. […] Toute personne qui se prononce en faveur de ces idées tombe sous le coup de la loi pénale. […] Une féministe qui en parle sur Twitter, par exemple, pourrait se voir accusée de provoquer l’opinion publique et l’incitation au trouble public » rapportait Courrier international à l’époque. Le gouvernement saoudien avait finalement rétropédalé le lendemain, démentant les propos tenus et supprimant la vidéo.