Le retour au pouvoir des talibans, le 15 août dernier, après vingt ans de guerre, est une catastrophe pour les femmes qui refusent de vivre sous ce nouveau régime misogyne. Malgré les risques, des activistes féministes, parfois à peine majeures, osent défier les fondamentalistes dans la rue alors que leurs droits se réduisent chaque jour un peu plus.
Kaboul n’est plus vraiment Kaboul. Les nuées d’écolières qui déferlaient dans les rues de la capitale à la sortie des cours, bloquant parfois la circulation tant elles étaient nombreuses, se sont volatilisées. Les écoles secondaires ont rouvert mi-septembre. Mais seuls les garçons y sont autorisés, les talibans ayant avancé avoir besoin de temps pour créer un « environnement sûr » propice à l’éducation des filles. À l’exception d’une poignée d’établissements dans le nord du pays qui ont récemment rouvert leurs portes à l’ensemble de leurs élèves, à l’heure où nous écrivons ces lignes, des millions de jeunes Afghanes sont toujours privées d’une éducation secondaire.
À la piscine Amu, dans l’ouest de la ville, l’espace réservé aux femmes est vide. Si l’« émirat islamique » n’a pas encore formellement interdit le sport aux Afghanes, elles sont nombreuses à ne plus oser en pratiquer depuis qu’un haut responsable a déclaré que le sport n’est « ni nécessaire ni approprié » pour les femmes. « Avant, une quarantaine de nageuses venaient ici chaque jour. Aujourd’hui, à peine une en moyenne », se désole le responsable de cet établissement, alors que des dizaines d’hommes font des longueurs ou barbotent dans les jacuzzis. « J’ai le sentiment qu’on est revenus vingt ans en arrière, avant 2001, quand les femmes n’avaient pas voix au chapitre dans la société », se désole Khatera, qui a été attaquante au sein de l’équipe nationale féminine de football de 2007 à 2013 et qui vit aujourd’hui à Kaboul.
L’ancienne sportive de haut niveau sort son téléphone pour nous montrer des vidéos datant du 8 juillet. On y voit une vingtaine d’hommes et de jeunes femmes, certaines les cheveux attachés en queue de cheval, s’affrontant sur un terrain de minifoot. La numéro 15 s’élance et fait la passe à une coéquipière qui marque un but sous les applaudissements et les cris du reste de l’équipe. Un autre monde. Cinq semaines plus tard, les talibans entraient dans Kaboul, forçant Khatera à cacher ses trophées et ses maillots de football.
Intimidations répétées
L’occupation américaine et ses violences quotidiennes ont été une tragédie pour une partie de la population. Mais le départ précipité des Occidentaux, fin août, a réduit à néant vingt ans de progrès et de droits durement acquis par et pour les femmes. « La communauté internationale nous a donné des ailes, puis nous les a coupées ! Ils ont détruit les rêves qu’ils nous ont poussées à avoir », s’indigne celle qui avait également fondé, en 2012, l’équipe de football féminine de l’université américaine d’Afghanistan, fermée depuis l’arrivée des fondamentalistes, le 15 août.

Aujourd’hui, beaucoup de sportives afghanes ont fui le pays et celles qui sont restées se sentent en danger. Khatera elle-même a reçu des menaces de mort à plusieurs reprises ces dernières années de la part des talibans qui contrôlaient déjà une partie du pays. « Ils ont toujours visé les sportives, rappelle Khatera. Ils nous envoyaient des menaces, ils nous kidnappaient et parfois ils essayaient même de nous tuer. Alors, comment pourrions-nous espérer qu’ils vont nous laisser faire du sport sous leur nouveau régime ? »
« La communauté internationale nous a donné des ailes, puis nous les a coupées ! Ils ont détruit les rêves qu'ils nous ont poussées à avoir »
Khatera, ancienne attaquante de l'équipe nationale féminine de football.
Sur le boulevard de[…]