Une grande vague féministe traverse la Corée du Sud depuis plusieurs années. Mais plus récemment, des hommes se soulèvent contre cette mobilisation qu’ils jugent radicale.
Ces dernières années, un drôle de climat pèse entre les femmes et les hommes de Corée du Sud. De plus en plus régulièrement, des militants masculinistes attaquent frontalement les féministes et leurs idées. Parfois, ce ne sont pas des militantes qui sont conspuées, mais de simples vedettes montrant une certaine sympathie (pas franchement révolutionnaire) pour la cause des femmes. En 2018, la chanteuse Naeun Son a dû présenter des excuses publiques, car sa coque de téléphone affichait le slogan « Girls can do anything », (les filles peuvent faire ce qu’elles veulent), jugé féministe. Plus récemment, lors des Jeux olympiques de Tokyo, l’archère triple championne olympique, An San, a subi une vague de cyberharcèlement. La raison : sa coupe de cheveux très courte. En effet, de nombreux·euses internautes l’ont accusée de ne pas être assez féminine et pire, d’être une féministe. Mais comment en est-on arrivé là ?
Le mouvement #MeToo
En 2017, comme dans de nombreux autres pays, le mouvement #MeToo a touché la Corée du Sud. Mais pour la chercheuse en sociologie à l’Université de Cambridge (Royaume-Uni) et spécialiste des questions de genre Youngcho Lee, les Sud-Coréennes n’ont pas attendu ce phénomène pour s’exprimer. « Les gens ont tendance à croire que le mouvement #MeToo est le point de départ en Corée du Sud, mais depuis plusieurs années, les Coréennes utilisent des hashtags sur Twitter pour dénoncer et discuter de violences sexuelles qu’elles ont subies sur leurs lieux de travail. » En effet, dès octobre 2016, sur les réseaux sociaux, le hashtag #00계_내_성폭력 (#abus_sexuel_dans_00) apparaît. Les deux zéros sont à remplacer par le secteur de travail où l’agression a eu lieu. C’est aussi à cette période que de nombreux forums en ligne naissent. En janvier 2018, une procureure, Jihyun Seo, raconte l’agression qu’elle a subie en 2010. Elle accuse l’ancien ministre de la Justice d’attouchements. Ce témoignage accélère la libération de la parole des femmes, entraînant de nombreuses manifestations organisées partout dans le pays.

Au-delà du harcèlement et des agressions très fréquentes sur les lieux de travail, les manifestantes réclament aussi l’égalité des salaires. La Corée du Sud appartient au club des vingt-neuf pays les plus développés de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Pourtant, en termes de salaires, les femmes touchent en moyenne un tiers de moins que les hommes, ce qui représente le pire différentiel des vingt-neuf pays. L’organisme a aussi classé la Corée du Sud dernière de l’indice du plafond de verre, qui mesure la facilité pour les femmes à atteindre des postes à responsabilité. Hyojeong Kim est présidente de la société NomadeHer, qui favorise les femmes à voyager seules. Lorsqu’elle était employée chez Naver1, elle se[…]
- l’équivalent de Google en Corée du Sud[↩]