À une époque où les rares femmes journalistes ne s’exprimaient que sur les arts ou la mode, Elizabeth Jane Cochrane, de son vrai nom, s’attaqua, du haut de ses 20 ans, au pré carré des plumes masculines : l’investigation. S’infiltrant incognito, ici dans un asile, là dans une usine, elle réalisa plusieurs reportages qui lui valurent la célébrité.

Publier des articles dans un journal n’a pas toujours été convenable pour une femme. Dans les États-Unis du Gilded Age (1870−1900), période de croissance et de prospérité, la presse était florissante. Les quelques femmes qui tentaient de s’imposer dans ce milieu exclusivement masculin, réputé brutal et grossier, se devaient d’écrire sous pseudonyme, comme le firent Bessie Bramble, Pearl Rivers, Fanny Fern ou Penelope Penfeather. Ces journalistes en jupon, qui travaillaient à la maison, traitaient des arts et s’occupaient des pages féminines. L’actualité était l’affaire des hommes, bien évidemment, car elle nécessitait rationalité, précision et courage. Bientôt, cet ordre allait être remis en question par une toute jeune Américaine, déterminée et indépendante.
Nous sommes en 1884, Elizabeth Jane Cochrane est assise dans le bureau de George Madden, rédacteur en chef du Pittsburg Dispatch, son journal préféré. Quelques jours plus tôt, elle lui a envoyé une lettre incisive pour se plaindre d’un billet se terminant ainsi : « L’univers de la femme se définit d’un seul mot : maison. » Madden lui propose alors de rédiger un article sur la question de[…]