Voici l’histoire d’une femme, pur produit de l’Angleterre victorienne du XIXe siècle, qui a fait rêver les foules avec ses récits. Mary Kingsley était une drôle de British qui, par amour pour l’Afrique, remonta un fleuve tumultueux en pirogue et dormit chez des anthropophages. Une aventurière à la fois antiféministe et progressiste.

C’est dans la brume du nord de Londres que la future pionnière voit le jour, en 1862. Le père, médecin grand voyageur, avait préféré au scandale de la naissance d’un enfant illégitime la mésalliance, en épousant sa cuisinière. Mary Henrietta Kingsley naît quatre jours après les noces, un pied dans des pantoufles petites-bourgeoises, l’autre dans les savates des arrière-cuisines.
Chez les Kingsley, comme dans nombre de foyers de l’époque, les hommes sont les savants, les femmes les servantes ou, au mieux, des secrétaires. Les seules leçons – d’allemand – que l’on consent à offrir à Mary visent à faire d’elle la parfaite assistante de daddy. Ses corvées achevées, elle furète secrètement dans la bibliothèque de son père, absent dix mois sur douze. En plus des carnets de voyage paternels (en Afrique, dans le Pacifique ou les Amériques), elle y dévore des histoires de pirates, des ouvrages de biologie, d’astronomie et y apprend même le latin.
En 1892, Mary Kingsley, alors âgée de 30 ans, se retrouve orpheline. La vieille fille, sans attaches ni but dans la vie, toute menue dans sa robe de deuil, part alors en Afrique, continent jugé inhospitalier par ses concitoyens, bourré de « sauvages cannibales », « pour y mourir ».
Robe longue et… corset
Contre toute attente, Mary s’y plaît. « L’Afrique me traita avec douceur et me passionna au lieu de me tuer tout de suite. » Avec le tempérament d’une Dian Fossey 1, Mary Kingsley laisse de côté les préjugés de son temps et part compléter les carnets de voyage de son[…]