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Abigaël Tembo, 19 ans, avec sa petite fille dans les bras, a passé six mois en captivité dans un hôpital de Petro-Congo, à Masina, un quartier de Kinshasa. C’est l’intervention d’une association qui lui a permis de sortir. © John Wells pour Causette

Kinshasa : patientes séques­trées pour fac­tures impayées

En République démo­cra­tique du Congo, les patient·es qui n’ont pas les moyens de régler leurs fac­tures médi­cales sont retenu·es dans les hôpi­taux jusqu’au solde de tout compte. Causette s’est ren­due au che­vet de femmes insol­vables cloî­trées dans des mater­ni­tés de la capi­tale par­fois jusqu’aux pre­miers pas de leur enfant.

Dans une pièce exi­guë, sous des mous­ti­quaires trouées accro­chées au pla­fond, cinq sil­houettes engour­dies sont allon­gées sur des lits métal­liques. Nelvie Nzuzi, 23 ans, a les che­veux courts, une sil­houette fine, le visage fer­mé. Elle est la seule à ne pas tenir un nour­ris­son dans les bras. « Il est venu trop tôt », dit-​elle, le regard fuyant, tein­té de la confu­sion et du sen­ti­ment de culpa­bi­li­té qui peuvent accom­pa­gner une fausse couche. La jeune femme était enceinte de quatre mois lorsqu’elle a per­du du sang. Paniquée, elle s’est ren­due dans cette petite mater­ni­té de Kimbanseke, un quar­tier pauvre de Kinshasa, la capi­tale congo­laise. Dans une pièce au sol en béton et aux murs sales tra­ver­sés de fils élec­triques dénu­dés, une chaise d’accouchement, recou­verte d’un faux cuir troué, aux allures d’instrument de tor­ture médié­val. Il n’y a pas d’eau cou­rante, l’électricité est inter­mit­tente. Souvent, les nais­sances se déroulent à la lumière d’un télé­phone por­table. Pour Nelvie, cette cli­nique insa­lubre était la plus proche de chez elle. Et il y avait urgence.

Cette fausse couche a eu lieu six semaines aupa­ra­vant. Depuis, la jeune femme attend « de trou­ver l’argent ». Le cure­tage qu’elle a subi coûte 85 000 francs congo­lais (46 euros). Elle ne les a pas. Alors, la mater­ni­té la retient pri­son­nière jusqu’à ce que sa famille par­vienne à ras­sem­bler la somme néces­saire et à la libé­rer. Pas de crime, pas de pro­cès, mais une cap­ti­vi­té effec­tive. Le lieu où elle a per­du son bébé est deve­nu sa pri­son. « Je veux juste ren­trer chez moi. Je ne suis pas bien ici », dit-​elle. Ses traits se crispent, une larme coule, qu’elle essuie du revers de la main. « Parfois, je sors dans la rue, je m’assieds devant la porte pour prendre l’air. Mais si je m’éloigne un peu, une infir­mière me rap­pelle. » 

Sur un lit voi­sin, une ado­les­cente est là depuis un mois. Grâce Mata a 16 ans. Son petit gar­çon est né par césa­rienne. Dans le sillage de sa nais­sance est venue une fac­ture de 415 400 francs (225 euros). Une for­tune. « Mes parents ne peuvent pas payer, ils ne tra­vaillent pas », résume la jeune fille. Grâce n’est pas mariée, per­sonne ne veut assu­mer la res­pon­sa­bi­li­té de cette gros­sesse. « Mon père m’apporte à man­ger. Mais cer­tains jours, il ne vient pas, confie-​t-​elle. Alors je ne mange pas ou les infir­mières par­tagent leur nour­ri­ture avec moi. » Car, évidemment,[…]

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