En République démocratique du Congo, les patient·es qui n’ont pas les moyens de régler leurs factures médicales sont retenu·es dans les hôpitaux jusqu’au solde de tout compte. Causette s’est rendue au chevet de femmes insolvables cloîtrées dans des maternités de la capitale parfois jusqu’aux premiers pas de leur enfant.
Dans une pièce exiguë, sous des moustiquaires trouées accrochées au plafond, cinq silhouettes engourdies sont allongées sur des lits métalliques. Nelvie Nzuzi, 23 ans, a les cheveux courts, une silhouette fine, le visage fermé. Elle est la seule à ne pas tenir un nourrisson dans les bras. « Il est venu trop tôt », dit-elle, le regard fuyant, teinté de la confusion et du sentiment de culpabilité qui peuvent accompagner une fausse couche. La jeune femme était enceinte de quatre mois lorsqu’elle a perdu du sang. Paniquée, elle s’est rendue dans cette petite maternité de Kimbanseke, un quartier pauvre de Kinshasa, la capitale congolaise. Dans une pièce au sol en béton et aux murs sales traversés de fils électriques dénudés, une chaise d’accouchement, recouverte d’un faux cuir troué, aux allures d’instrument de torture médiéval. Il n’y a pas d’eau courante, l’électricité est intermittente. Souvent, les naissances se déroulent à la lumière d’un téléphone portable. Pour Nelvie, cette clinique insalubre était la plus proche de chez elle. Et il y avait urgence.
Cette fausse couche a eu lieu six semaines auparavant. Depuis, la jeune femme attend « de trouver l’argent ». Le curetage qu’elle a subi coûte 85 000 francs congolais (46 euros). Elle ne les a pas. Alors, la maternité la retient prisonnière jusqu’à ce que sa famille parvienne à rassembler la somme nécessaire et à la libérer. Pas de crime, pas de procès, mais une captivité effective. Le lieu où elle a perdu son bébé est devenu sa prison. « Je veux juste rentrer chez moi. Je ne suis pas bien ici », dit-elle. Ses traits se crispent, une larme coule, qu’elle essuie du revers de la main. « Parfois, je sors dans la rue, je m’assieds devant la porte pour prendre l’air. Mais si je m’éloigne un peu, une infirmière me rappelle. »
Sur un lit voisin, une adolescente est là depuis un mois. Grâce Mata a 16 ans. Son petit garçon est né par césarienne. Dans le sillage de sa naissance est venue une facture de 415 400 francs (225 euros). Une fortune. « Mes parents ne peuvent pas payer, ils ne travaillent pas », résume la jeune fille. Grâce n’est pas mariée, personne ne veut assumer la responsabilité de cette grossesse. « Mon père m’apporte à manger. Mais certains jours, il ne vient pas, confie-t-elle. Alors je ne mange pas ou les infirmières partagent leur[…]