Le dessin des frontières de l’Irak ? C’est elle. La stratégie britannique en Mésopotamie dans les années 1920 ? Idem. Le premier musée de Bagdad ? Aussi… Archéologue, espionne, alpiniste, Gertrude Bell a passé sa vie à sonder les déserts du Moyen-Orient. Elle en est devenue la « reine sans couronne ».
Gertrude Bell a toujours eu deux caractéristiques principales : le fait d’être une intellectuelle et celui d’être une tête brûlée. À 13 ans, en 1881, la fillette se réjouit de lire The Tower of London, un bouquin « plein de meurtres et de tortures […], très sympathique », écrit-elle dans une lettre à sa famille. À 20 ans, lors de son grand oral à Oxford – une époque où les étudiantes devaient parfois assister au cours de dos, pour ne pas regarder le professeur en face – elle contredit ouvertement le jury en critiquant le roi Charles Ier. Cela ne l’empêche pas d’être la première femme à sortir major de sa promotion de la fac d’Histoire… Au grand dam de sa belle-mère, Gertrude prend alors seule le métro et s’insurge de ne pas être invitée aux garden-parties de ses camarades masculins. La jeune femme affiche très tôt son désir de bousculer l’ordre établi. Seule exception : la cause féministe, puisqu’elle fait un temps partie de la Ligue britannique des femmes, un comité antisufragette… dont les arguments sont : tant que les femmes croiront que leur domaine est la cuisine et la chambre à coucher, elles ne pourront prendre part au débat politique ni aux décisions sur la nation.
La vie de Gertrude Bell débute dans un cadre on ne peut plus paisible. Elle naît le 14 juillet 1868, dans un domaine cossu du nord de l’Angleterre, dans une famille de riches industriels. Sa mère décède lorsqu’elle a 3 ans. Elle noue alors un lien profond avec son père, qui l’encouragera dans quasi toutes les[…]