Figure emblématique de la lutte pour la légalisation du cannabis en Espagne, Fernanda de la Figuera est condamnée en décembre 2019 à neuf mois de prison avec sursis. La justice lui reproche un manque de contrôle des activités de son « cannabis social club » pour femmes, Marias por Maria. À 77 ans, « Mamie Marijuana » n’a pas dit son dernier mot.

Patience et adaptabilité : deux qualités essentielles pour interviewer Fernanda de la Figuera. En tirant sur un joint, « Abuela Marihuana » (Mamie Marijuana), comme la surnomment les médias espagnols, bougonne : « Je ne peux pas résumer ma vie en une journée… ». Peut-on s’opposer à ce qu’elle fume pendant notre rencontre ? Certainement pas. La faire sortir de sa chambre le temps de l’entretien ? Niet. Éteindre la télévision ? Non plus. C’est donc entre deux taffes, allongée sur son lit, les infos en fond sonore, que la plus vieille militante d’Espagne pour la légalisation du cannabis se prête au jeu de l’interview.
Ce jour-là, l’actualité se concentre sur les résultats de l’élection américaine qui ne devraient plus tarder à tomber, la progression de l’épidémie de Covid-19 et les affaires de corruption qui éclaboussent Juan Carlos, l’ancien roi d’Espagne. « Jamais je n’aurais cru qu’on se retrouverait dans une société aussi pénible que celle d’aujourd’hui, commente Fernanda de la Figuera, du haut de ses 77 ans. Après la révolte de 68, le mouvement hippie, la guerre du Vietnam, j’imaginais que le monde allait changer. Mais la solidarité, la compassion, l’amour, ça ne compte pas. » L’activiste semble oublier qu’il n’y a pas si longtemps ces valeurs supposées disparues ont mobilisé plus de cinq cents personnes derrière elle.
Le 30 octobre 2019 commence à Malaga, dans le sud du pays, le procès de Fernanda de la Figuera. Devant le tribunal et alors que la militante encourt quatre ans de prison, une foule se rassemble. « J’ai organisé une “marche verte” pour que Fernanda comprenne qu’elle n’était pas seule, se souvient son ami, le militant Paco Mascaraque. Plusieurs acteurs du monde du cannabis ont mis la main à la poche. Nous avons pu payer ses frais d’avocat et faire venir du monde de tout le pays. C’est la première fois qu’une cultivatrice recevait autant de soutien. » Pour ce qui est de cultiver, on peut dire que Fernanda y allait franchement. Il faut imaginer la scène.