Suite à sa tribune publiée le 23 juillet dans Le Monde dénonçant l’indifférence des féministes françaises quant au sort des Ouïghours, Causette a interviewé la chercheuse ouïghoure Dilnur Reyhan, qui vit en France depuis 2004.
Docteure en sociologie, Dilnur Reyhan est chercheuse à l’Université libre de Bruxelles (ULB), enseignante à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) et présidente de l’Institut ouïghour d’Europe (IODE) qui défend la sauvegarde de la langue et de la culture ouïghoures. Dans une tribune publiée dans Le Monde le 23 juillet, elle dénonce le manque de solidarité des féministes à l’égard de la minorité ouïghoure musulmane et turcophone, lourdement réprimée en Chine. Cette prise de parole « nécessaire » selon Dilnur Reyhan, la place au front. Mais cela ne l’effraie pas. Comme ce proverbe ouïghour « la personne nue n’a pas peur de l’eau », la chercheuse de 36 ans, qui est partie faire ses études en France en 2004 et y est restée, trace son chemin et se voue corps et âme à sa cause. Entretien.
Causette : Pourquoi avez-vous publié votre tribune maintenant ? Est-ce que le rapport du chercheur allemand Adrian Zenz, paru le 29 juin, selon lequel les femmes ouïghoures seraient soumises à des stérilisations forcées, vous a offert une opportunité ?
Dilnur Reyhan : Mes travaux de recherche portent sur les femmes ouïghoures. J’ai dénoncé les violences subies par celles-ci, car dans tous les conflits, les femmes sont les premières victimes. Le système génocidaire instauré par la Chine dure depuis fin 2016. Dès lors, j’essaie par tous les moyens d’alerter l’opinion française. J’ai par exemple mobilisé la communauté ouïghoure pour écrire à des personnalités politiques. Seules deux ou trois nous ont répondu, alors que nous en avions ciblé une vingtaine en 2018. J’ai attendu une solidarité de la part des féministes françaises, mais elle n’est pas venue. Or, il est du devoir de tout être humain d’agir afin de mettre fin à ce génocide. Finalement, il n’y a pour l’heure que le député européen Raphaël Glucksmann qui nous accompagne dans ce plaidoyer, depuis 2019.
Comment expliquez-vous ce silence ?
D. R. : C’est la conjugaison de plusieurs éléments. Il s’agit d’une population lointaine et méconnue, par ailleurs, elle est[…]