• Rechercher
  • Mot de passe oublié ?
  • Mot de passe oublié ?

Anne Bonny, pirate des Caraibes

Accusées de por­ter la poisse, les femmes n’étaient pas les bien­ve­nues à bord des navires pirates*. Mais Anne Bonny, déter­mi­née à prendre le large, se tra­ves­tit pour embar­quer et sera l’une des fli­bus­tières les plus célèbres du XVIIIe siècle. Sa vie est deve­nue une légende qui, dit-​on, conti­nue d’être contée dans les tavernes des ports. 

wiki female pirate anne bonny
Anne Bonny. © Wikipédia

« La pré­sence de jeunes gar­çons ou de femmes est inter­dite. Celui que l’on trou­ve­ra en train de séduire une per­sonne de l’autre sexe et de la faire navi­guer dégui­sée sera puni de mort. » Le code d’honneur des pirates ne laisse aucun doute, la gent fémi­nine n’a pas sa place à bord. Mais ce genre de règle n’a jamais arrê­té Anne Bonny. Cette Irlandaise serait née à Cork en 1697, d’une liai­son entre un homme de loi, William Cormac, et sa domes­tique. Devant le scan­dale, William prend sa maî­tresse et sa fille sous le bras, direc­tion l’Amérique. La famille s’installe en Californie et fait for­tune. Si Cormac rêve d’un bon par­ti pour sa fille, cette der­nière s’illustre sur­tout par ses accès de colère, ses manières de « gar­çon » et son auto­ri­ta­risme. Éprise de liber­té, la jeune Irlandaise est atti­rée par un pirate repen­ti et sans le sou, James Bonny. Anne Cormac l’épouse sans le consen­te­ment pater­nel. Elle devient Anne Bonny, déshé­ri­tée sur-​le-​champ. Son mari, qui pen­sait pro­fi­ter du sta­tut et de l’héritage de sa com­pagne, embarque pour l’île de New Providence, plaque tour­nante de la pira­te­rie aux Bahamas, pour ten­ter de se refaire. 

L’âge d’or de la pira­te­rie touche à sa fin : les royaumes euro­péens ont fait la paix en 1713 et ont déci­dé de l’éradiquer, car elle nuit à leur com­merce. En 1718, le roi d’Angleterre, George Ier envoie le cor­saire Woodes Rogers écra­ser la pira­te­rie dans les Caraïbes, à l’aide de par­dons royaux. Ou s’il le faut, de la force mili­taire. Anne Bonny découvre avec hor­reur que son mari est à la solde de ce cor­saire et vend des infor­ma­tions sur les pirates qu’il côtoie. Or, en écu­mant les tavernes où les repen­tis ayant accep­té le gra­cieux par­don de l’Angleterre dila­pident leur tré­sor, Anne Bonny ren­contre Jack Rackam. Ex-​capitaine d’un navire pirate, celui que l’on sur­nomme Calico Jack est d’une autre trempe que son traître de mari. Elle suc­combe, les deux amants ne se cachent pas. Mais l’infidélité d’une femme est punie de coups de fouet. Woodes Rogers, deve­nu gou­ver­neur, menace Anne Bonny de la sanc­tion si elle ne cesse pas ces liber­ti­nages connus de toute l’île. Le couple doit s’enfuir. 

La légende de Bonny & Jack

Anne et Jack volent un navire, recrutent un équi­page et mettent les voiles. La jeune femme navigue, com­bat, dégui­sée en homme, et se fait appe­ler Adam Bonny. Comme tout bon pirate, elle porte pis­to­let et machette à la cein­ture. L’équipage n’est pas dupe : Anne par­tage la cabine du capi­taine. Mais il faut res­ter dis­cret au dehors et, sur­tout, que les cor­saires à leurs trousses ne puissent iden­ti­fier le couple. Alors, pas de quar­tier : cer­tains récits rap­portent que, lors des abor­dages, Anne tuait tous ceux qui décou­vraient son iden­ti­té. L’Irlandaise ne sera jamais capi­taine, mais c’est une redou­table seconde pour Calico Jack. L’équipage mul­ti­plie les attaques de bateaux de tout pavillon, jusqu’à celui sur lequel navigue Mary Read. Cette der­nière s’est enrô­lée très jeune dans la marine bri­tan­nique, gri­mée en homme, sous le nom de Willy Read. À la fin des années 1710, à bord d’un navire anglais ou d’un bateau pirate, selon les ver­sions, Mary Read fait face à l’attaque de Bonny et Jack. Leur répu­ta­tion les pré­cède… Mary décide de se rendre et ral­lie l’équipage. Adam Bonny et Willy Read se rencontrent. 

Une soro­ri­té totale 

Certains récits pré­tendent qu’Anne Bonny serait tom­bée sous le charme de Willy, aurait dévoi­lé son iden­ti­té, obli­geant Mary Read à dévoi­ler la sienne. D’autres évoquent une rela­tion amou­reuse entre les deux femmes. Quoi qu’il en soit, une soro­ri­té totale unit les deux pirates. L’identité de Mary Read reste d’abord secrète. Une femme à bord, d’accord, mais deux, c’est la guigne assu­rée ! Mais bien sûr, peu à peu, l’information se répand sur le vais­seau. Et curieu­se­ment, l’équipage accepte cette situa­tion inha­bi­tuelle. Il faut dire que les vic­toires et les tré­sors s’accumulent. Dans toutes les Caraïbes et les Indes occi­den­tales, le trio intré­pide pille des navires de plus en plus gros, de plus en plus riches. Cependant, les deux femmes s’inquiètent. Les pirates ont lais­sé de nom­breux témoins et le gou­ver­neur de Jamaïque ne sup­porte plus ce navire qui le nargue jusque dans ses eaux. Il décide d’en finir. C’est le capi­taine Barnet, pirate repen­ti, qui devra cap­tu­rer l’arrogant trio. 

La posi­tion de leur navire est rapi­de­ment connue et l’équipage est sur­pris par l’attaque en ce mois d’octobre 1720. À bord, les hommes sont ivres, manœuvrent péni­ble­ment et n’opposent presque aucune résis­tance lorsque les sol­dats bon­dissent sur le pont. Les pirates tré­buchent, lâchent les armes, se cachent. C’est la déban­dade. Seules Anne Bonny et Mary Read se battent avec éner­gie, mais, encer­clées, elles doivent capi­tu­ler. « Ce qui les unit, dans leur brève odys­sée com­mune, c’est ce cou­rage, cette valeur au com­bat, ce sens de l’honneur, si net­te­ment supé­rieurs à ceux de leurs com­pa­gnons, et dont on fei­gnit de s’étonner à l’époque comme d’une mons­truo­si­té », écrit, à leur sujet, l’aventurier et écri­vain anglais de la même époque, Daniel Defoe. 

Condamnation 

Lors de leur arres­ta­tion, les auto­ri­tés découvrent que deux femmes appar­tiennent au ter­rible équi­page du capi­taine Calico Jack. L’affaire embrase la Jamaïque, curieuse de voir le visage de ces deux femmes pirates, répu­tées sans pitié et tout aus­si cupides que les hommes. Les juges hésitent et décident de faire com­pa­raître sépa­ré­ment hommes et femmes. Tous les marins sont jugés cou­pables de pira­te­rie, vol et autres accu­sa­tions. Ils sont condam­nés à la pen­dai­son. Avant de mon­ter sur la potence, Jack Rackam demande à voir une der­nière fois sa maî­tresse, Anne Bonny. Cette der­nière refuse : « Si tu t’étais bat­tu comme un homme, tu n’aurais pas à être pen­du comme un chien. » 

Lors de leur pro­cès, les deux femmes sont éga­le­ment recon­nues cou­pables et condam­nées à mort… jusqu’à ce qu’elles annoncent être enceintes. Vérifications faites, c’est bien le cas. L’exécution est donc repor­tée. Mary Read tré­passe, sans doute de mala­die, avant son accou­che­ment, en 1721. Quant à Anne Bonny, son sort reste un mys­tère. Morte en pri­son ou libé­rée par l’influence de son père, per­sonne ne sait. Mais sa légende, elle, par­court tou­jours le monde. 

* Le pirate est un hors-​la-​loi qui s’attaque à tous les navires, mar­chands ou mili­taires, sans dis­tinc­tion de natio­na­li­té ou de car­gai­son. Le cor­saire est un civil qui fait la guerre comme les marins du roi, sur ordre duquel il agit.

Partager