Fin septembre, l’une des femmes les plus puissantes du monde, Angela Merkel, quittera le pouvoir après seize ans de bons et loyaux services. Comment devient-on numéro une dans un univers régi par le masculin ? L’itinéraire de cette « tueuse pro » au prétendu manque de charisme témoigne d’une infatigable ténacité. Et décoiffe plus qu’on ne l’imaginait.
La légende dit que, un jour, alors qu’Angela Merkel visitait une école, un enfant lui aurait demandé : « Est-ce qu’on peut être un garçon et devenir chancelière ? » Pour les jeunes générations, qui n’ont connu qu’elle, c’est elle la cheffe. Voilà seize ans qu’elle est chancelière. Elle a été classée « femme la plus puissante du monde » par le magazine Forbes à quatorze reprises. A tenu tête à Trump. Est la seule parmi les dirigeant·es de démocratie à jouir d’un taux de popularité qui avoisine les 80 % – et sans dérive autoritaire ni culte de la personnalité à la Erdogan ou à la Poutine. À côté de ça, celle que les Allemand·es appellent Mutti (« Maman ») fait ses courses seule au supermarché chaque vendredi. Se meuble chez Ikea. Tartine son pain avec du beurre et du fromage en meeting (devant Sarkozy, notamment). Et kiffe la rando. Grâce à Angela Merkel, la preuve existe : on peut être citoyenne lambda et entrer dans la cour des grand·es du pouvoir. A l’occasion de son départ, annoncé ce 26 septembre – jour des élections fédérales où elle n’est pas candidate, à cause de résultats jugés décevants aux élections locales et d’une santé fragile –, Causette se devait de chercher à comprendre ce parcours exemplaire.
La « gamine » de l’Est
A priori, « rien chez Merkel ne colle avec le pouvoir », résume la journaliste allemande Jacqueline Boysen, aujourd’hui fonctionnaire au Bundestag et biographe de la chancelière. À son arrivée en politique en 1989, appuie-t-elle, « tout le monde avait le même CV : des hommes, issus de la politique et d’Allemagne de[…]