ÉDITO
Ce matin-là, elle boit son café, les yeux dans le vague, la tête à l’envers. Encore une nuit de garde qui décalque. Les cheveux relevés en chignon, n’importe comment. Ça
fait bien longtemps qu’elle ne les a pas détachés. Pas pratique. Les néons et les
murs verts de l’hôpital n’arrangent pas son teint blafard et les cernes sous ses
yeux. D’ailleurs, c’est quand la dernière fois qu’elle a vu son visage sans cernes
dans le miroir ?
Une fois encore, cette nuit, elle a tiré sur la corde, paré au plus pressé, explosé ses horaires, couru d’une chambre à l’autre. Une fois de plus, elle n’a pas pu prendre le temps d’écouter la dame de la chambre 241. Elle ne se plaint pas beaucoup pourtant, la vieille. Elle n’ose même pas, la pauvre. Elle n’a pas non plus pu faire le pansement sur la jambe du monsieur à moustache de la 358 avec la délicatesse qu’elle aurait voulu. Quant au petit Joseph de la 512, avec son crâne d’œuf, elle n’a pas su le rassurer avant la piqûre. Elle s’est même impatientée face à ses pleurs. Toujours pas le temps…
Alors voilà. Il est 7 h 32, elle a bossé douze heures d’affilée, à peine le temps de pisser, elle est épuisée. Elle a franchement tout donné, et pourtant, elle culpabilise. Elle n’avait pas signé pour ça, au départ, mince ! Elle pensait qu’elle allait aider les gens. Prendre soin d’eux. C’est bien ça la signification du mot soignant·e, non ? Elle croyait que son métier aurait du sens pour elle. Petite, elle adorait apporter un thé au lit à sa mamie quand elle avait la grippe, consoler son petit cousin quand il avait un chagrin, ou sa camarade de classe qui s’était cassé le bras. Toujours dévouée. Toujours là pour les autres. Alors quand on lui a dit qu’elle pouvait en faire son métier, elle a dit banco !
Mais ça fait presque vingt ans qu’elle exerce. Et soudain, ça n’a plus de sens pour elle, justement. Elle n’a plus les moyens de bien prendre soin. Elle le fait mal, et sans plaisir. Elle se sentirait presque maltraitante avec ses patient·es. Alors, STOP ! Il est 7 h 32. Elle boit son café et, d’un coup, elle sait. Demain, elle ne reviendra pas. Ça la dévaste, mais demain, l’hôpital fera sans elle. Eh oui, une de plus qui raccroche la blouse…
Ce numéro de Causette est dédié à tous·tes les soignant·es qui nous lisent (et aux autres aussi, quand même). Force et courage. On est ensemble.
Causette
Extraits du numéro :
Cet été, Causette vous propose de (re)découvrir sa série Épifounie qui s'intéresse, chaque mois dans le magazine, au récit d’un moment d’épiphanie sexuelle. Qu’il s’agisse d’un orgasme inoubliable ou d’une période d’abstinence, c’est la chronique d’une pépite intime et politique dans l’histoire érotique de chaque témoin. Pour ce troisième épisode,…
Elle est sage-femme, il est médecin généraliste. Chacun·e à leur manière, Anna Roy et Baptiste Beaulieu partagent le même combat : retrouver une médecine plus humaine, tant pour les patient·es que pour les soignant·es. Crise de la santé, relation de soin, maltraitance médicale… Pour Causette, elle et il reviennent sur…
La prévalence de l’épuisement professionnel est deux fois plus importante chez les salariées que chez les salariés. Et quand elles s’effondrent, leurs symptômes sont de plus en plus graves. Pourtant, mis à part quelques associations, le sujet est peu étudié et peu pris en compte.
Comment dire : « papa et maman se quittent » ?
Chaque mois, Causette vous propose le récit d’un moment d’épiphanie sexuelle. Qu’il s’agisse d’un orgasme inoubliable ou d’une période d’abstinence, c’est la chronique d’une pépite intime et politique dans l’histoire érotique de notre témoin.
Le Tournoi des six nations féminin a débuté le 25 mars – les Françaises se sont imposées 22 à 12 dimanche à Parme – et la discipline n’est toujours pas professionnelle. Mais depuis quelques mois, un club du Nord lutte pour offrir des CDD à son équipe.
Un film d'époque (Chili 1976), un thriller efficace (De grandes espérances) et un drame plein de douceur (Le Bleu du caftan) sont à retrouver dans les salles obscures ce mercredi.
"Emily", de Frances O’Connor, "Toute la beauté et le sang versé", de Laura Poitras et "Sage-homme", de Jennifer Devoldère.
Changer de nom ? Rien de plus facile : depuis le 1er juillet 2022, une simple déclaration à l’état civil suffit pour porter le nom de sa mère, de son père, ou les deux. Et les Français·es en profitent : en six mois, 40 000 demandes ont été enregistrées, alors…
S’affirmer en tant que femme magicienne, dans un milieu où les mecs monopolisent la baguette, n’est pas toujours un long fleuve tranquille. Magicienne, comédienne et metteuse en scène, Claire Chastel l’a fait.
La valeur ajoutée de cette enquête sociologique publiée ce vendredi 10 mars, c’est sa durée et sa longueur de vue, qui permettent d’évaluer ce qui perdure, par-delà les années, dans ces rapports amoureux balbutiants : soit un « lien d’appropriation des filles par les garçons ».
Le film de Béatrice Pollet donne à voir un thriller judiciaire passionnant sur un sujet délicat, vertigneux et souvent mal traité au cinéma : le déni de grossesse.
L'Assemblée nationale se penche dès ce lundi sur la proposition de loi du député de la majorité Bruno Studer, qui cherche à encadrer les pratiques numériques des parents exposant leurs enfants sur les réseaux sociaux.
Une nouvelle lettre d'amour au cinéma, cette fois signée Sam Mendes et un envoûtant film espagnol autour d'une cruelle fable machiste…
Petites, le premier long-métrage de Julie Lerat-Gersant, rend puissamment hommage aux mères adolescentes et résilientes. Il nous permet de retrouver Romane Bohringer, trop rare au cinéma. Entretien avec une actrice « obsédée » par la question de la maternité…
La milieu de terrain islandaise, qui évolue aujourd'hui à la Juventus, a accusé en janvier l’Olympique lyonnais, où elle a joué durant deux saisons, de ne pas lui avoir versé l’intégralité de son salaire lorsqu’elle était en congé maternité.
Vous êtes arrivé.e à la fin de la page, c’est que Causette vous passionne !
Aidez nous à accompagner les combats qui vous animent, en faisant un don pour que nous continuions une presse libre et indépendante.
Faites un don