
ÉDITO
Pour ce hors-série sur le changement, nous avons convié à la rédaction de Causette des consultants, des sages de tout poil (souvent blancs, les poils) pour bâtir un sommaire.
« Soyez vous-même le changement que vous voulez voir dans le monde ! lança Gandhi en touillant son café-dosette.
– Hum… Nous avons eu l’occasion de changer le monde et nous avons préféré le téléachat, répliqua Stephen King, amer, le nez dans son smartphone.
Siddhartha Gautama nota alors sur le paper board la règle fondamentale (selon lui) :
– L’immobile se disperse, seul le mouvant demeure. Il n’y a rien de constant si ce n’est le changement.
On sentait bien que la discussion pouvait s’éterniser. Je dus reprendre la main :
– Messieurs, s’il vous plaît, soyons un peu concret. Concentrez-vous sur les rubriques habituelles : société, environnement, culture…
– Changez tout, changez tout ! Votre monde ne tient pas debout ! Changez tout ! Changez tout, changez tout !
– Merci Michel, mais ça ne nous avance pas, là…
La situation était tendue. Je me lançais :
– Et si nous commencions ce journal par l’international ? Les transformations de la géopolitique, la…
– Très souvent, coupa Théodore Monod, un changement de soi est plus nécessaire qu’un changement de situation.
– D’autant, fit remarquer Emmanuel Kant, qui avait tendance à la ramener continuellement, qu’on ne voit pas le monde tel qu’il est, mais tel que nous sommes.
– Bon d’accord, abondais-je, alors commençons par les changements intrinsèques. Ce qui touche le “Moi” profond. Changer de vie, de perception, de goût…
– En fait, le plus simple, dit Siddhartha Gautama, pour changer la société, c’est de se mettre à la place des autres. Si vous y arrivez, vous ne serez plus capable de faire du mal à autrui.
– D’autant que, fit remarquer Emmanuel Kant, qui n’avait pas parlé depuis une minute, un record, chronologiquement, aucune connaissance ne précède en nous l’expérience et c’est avec elle que toutes commencent.
Il fallait recadrer :
– Messieurs, faisons simple : après “Moi”, on passera au chapitre “Nous”. La politique, la psychanalyse, le genre…
– Au fond, tout ça n’est qu’une affaire d’échelle, ajouta Stephen King. L’histoire tout entière n’est qu’une transformation de la nature humaine.
– Pardon, mais ça, c’est de Karl Marx, lança Gandhi. Faut lâcher Google, Stephen.
– Ne nous égarons pas, repris-je, on a pratiquement terminé. Pour finir, il faudra évoquer des changements plus larges : l’environnement, la répartition des richesses, du travail…
Théodore Monod soupira :
– Oui, le peu qu’on peut faire, le très peu qu’on peut faire, il faut le faire, pour l’honneur, mais sans illusion.
– Je vous sens un peu pessimiste, Théo, dis-je en refermant mon ordi. On peut changer le cours des choses.“Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas”, comme disait Lao-tseu !
– Toujours se méfier de ce que disait Lao-tseu, bougonna Siddhartha Gautama. Il avait la main lourde sur la bière chinoise.
– D’autant », fit remarquer Emmanuel Kant…
Mais nous avions déjà éteint la lumière et quitté la rédaction. Ça manquait vraiment trop de femmes !
Causette