Un vil­lage ita­lien, sa sexiste « fête des hommes » et son infâme concours de man­geuses de bananes

Les rues de Monteprato di Nimis étaient en ébul­li­tion le 2 août der­nier. Dans ce petit vil­lage trans­al­pin situé dans le nord-​est de l’Italie, était célé­brée comme chaque année depuis 1977 la tra­di­tion­nelle « fête des hommes ». Une fête aux allures de ker­messe de vil­lage, quoique son nom nous mette déjà sur la piste du sexisme. Car la com­pa­rai­son avec nos tra­di­tion­nelles fes­ti­vi­tés s’arrête ici. À Monteprato di Nimis, point de chamboule-​tout, de pêche aux canards et autres joyeu­se­tés inno­centes. Ici, on célèbre l’homme, le vrai. Celui qui sent bon la mus­cu, l’après-rasage, la trans­pi – et sur­tout l'âge de pierre.

Parmi les fes­ti­vi­tés : des danses ances­trales, une parade de phal­lus en bois (de très bon goût) et l’élection de l’homme le plus mas­cu­lin (de très bon goût aus­si). Mais l’épreuve phare consiste en un concours de man­geuses de bananes. Une com­pé­ti­tion nou­velle d’ailleurs puisqu’elle a été inven­tée il y a trois ans. Par qui pré­ci­sé­ment, on ne sait pas, alors qu’à voir l'affiche dudit concours ci-​dessous, on aurait très envie de le remercier.

Les can­di­dates – des femmes exclu­si­ve­ment – s’affairent les yeux ban­dés, sans les mains et à genoux, à man­ger des bananes der­rière une plaque de bois où les juges – des hommes exclu­si­ve­ment – notent leur pas­sage. Le tout accom­pa­gné d’une musique joyeuse et d’une foule atten­tive. Le fruit, évi­dem­ment pas choi­si pour ses bien­faits en fibre, est pla­cé à l’endroit du sexe des hommes. Allusion on ne peut plus claire à la fel­la­tion. Une sexua­li­sa­tion des femmes décom­plexée qui se déroule chaque année sur la place du village.

Célébrer la virilité

Pour jus­ti­fier la glo­ri­fi­ca­tion annuelle de la viri­li­té, le vil­lage ita­lien explique sur son site inter­net que les racines de cette tra­di­tion, pour le moins rétro­grade, remon­te­raient à l’après-Première Guerre mon­diale, période à laquelle Monteprato aurait failli dis­pa­raître à cause du manque d’hommes dans le vil­lage. Selon la légende, une vieille femme aurait, en ramas­sant du bois, déni­ché une racine res­sem­blant à un phal­lus en érec­tion. Après cela, miracle ! Uniquement des gar­çons seraient nés pen­dant les vingt années sui­vantes. C’est donc pour célé­brer cette viri­li­té retrou­vée que les orga­ni­sa­teurs de la fête ont choi­si de rabais­ser les femmes en leur fai­sant man­ger des bananes. Dans leur bon­té d’âme, ils ne sont quand même pas allés jusqu’au bout du concept en leur fai­sant bouf­fer des racines.

Reste qu’en 2022, il est grand temps d’en finir avec ces tra­di­tions sexistes et dégra­dantes. À Monteprato la fête des hommes ne fait d’ailleurs pas rire tout le monde. Une péti­tion pour dire « non au concours de man­geuses de bananes 2022 », avait recueilli plus de 1 300 signa­tures. En vain, semble-​t-​il, pour cette fois. Du côté des orga­ni­sa­teurs de la fête, on argue en effet d’une « polé­mique sté­rile ». Ne voyant semble-​il abso­lu­ment pas le pro­blème, ils affirment même que si des hommes vou­laient par­ti­ci­per, « [ils] ne leur diraient pas non ». Manger une banane en public quand on est une femme c’était déjà com­pli­qué, à ce train-​là, ça ne risque pas de s’arranger.