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© Ministerio de Igualdad / Instituto de las Mujeres español

« L'été est aus­si à nous ! », mais peut-​être pas à toutes, finalement ?

Une campagne espagnole prônant l’inclusion et la body positivity pour l’été s’est pris un tollé monumental lorsqu’une mannequin dont la silhouette dessinée de manière ultra réaliste sur le visuel a fait savoir que sa prothèse à la jambe… avait été effacée.

Elle avait pourtant tout pour nous rendre jalouses… Une campagne de sensibilisation a été lancée par l’Institut des Femmes, organisme annexe du Ministère de l'Égalité espagnol, le 28 juillet dernier, pour déculpabiliser les femmes qui vont à la plage sans avoir un corps conforme aux standards de beauté. Le gouvernement espagnol s’est donc fendu d’une affiche pétillante et colorée accompagnée d’une typo péchue baptisée « l’été est aussi à nous »

On peut y voir dessinées, avec une technique ultra réaliste, cinq femmes d’âge, de corpulence, de couleur de peau différent·es se prélassant sur le sable chaud. Une femme âgée, tout sourire, est dessinée topless avec une mastectomie - une ablation du sein. Une façon pour l’Institut des Femmes, déjà bien avancé en termes de droits des femmes et de lutte contre les stéréotypes de genre, de combattre la grossophobie et les traditionnels diktats de beauté, qui prennent le doux nom de summer body à l'approche des grandes vacances. Antonia Morillas, la directrice de l’Institut des Femmes à l’origine du projet, s’est félicitée de l’initiative sur son compte Twitter en assurant que les attentes physiques affectaient l’estime de soi. 

Un bon gros fiasco

Une belle démonstration de body positivity, en somme. Sauf que. La campagne a rapidement tourné au fiasco, et d’une façon plutôt cocasse. Le jour même de la diffusion de l’affiche, qui a d’abord été largement encensée par les élu·es du Ministère, la mannequin britannique noire Nyome Nicholas-Williams a révélé publiquement sur tous ses réseaux sociaux qu’un des personnages représentés, langue tirée et visage tourné vers la caméra, s'inspirait de manière évidente d'une photographie d'elle. Bien sûr, sans lui avoir demandé la permission, ou même avoir proposé de la rémunérer pour l’utilisation de son image. 

Mais cette histoire ne s’arrête pas là. Après le signalement lancé par la mannequin, d’autres se sont penché·es de plus près sur les femmes dépeintes sur le visuel. Et quelle a été la surprise pour Sian Green-Lord, activiste du body positive, de constater qu’elle avait clairement servi de modèle à la protagoniste dessinée à gauche du dessin… mais dont la jambe prothétique a été retirée. 

Un simple petit jeu des sept différences entre les deux images, et tout le reste y est : les grosses lunettes de soleil noires, la position de son bras levé au ciel brandissant ses deux doigts sous le signe de la victoire, le maillot une pièce, le verre dans la main, la queue de cheval, la position repliée des jambes… Seul couac : l’absence de sa prothèse à la jambe gauche. La jeune femme a repartagé la photo originale sur son Instagram le 2 août avec la description : « Cette image ne représente plus mes amies et moi profitant d’un bon moment, maintenant elle me rend simplement très triste. Depuis que j’ai découvert ce qui a été fait avec mon image, ma confiance en moi a été au plus bas, et mon anxiété au plus haut… » Sympa, le body positive

Pour en rajouter une couche, la déformation de la réalité a frappé une troisième fois. Juliet Fitzpatrick, une survivante du cancer du sein et régulièrement appelée pour poser dans des campagnes de publicité, a elle aussi remarqué l’utilisation de son visage, sur le corps d’une femme qui n’est pas le sien… puisqu’elle n’affiche qu’une seule mastectomie, alors que Juliet Fitzpatrick a subi une ablation des deux seins, en 2017 et en 2018. « Le visage évoque le mien, mais ce n’est pas mon corps. L’idée que mon visage puisse être sur un corps d’une femme avec un seul sein est très contrariant, a-t-elle confié au Gardian le 1er août. Le fait que ça a été utilisé et édité à outrance est inacceptable. » Effectivement, c’est fou ce qu'on peut faire avec un logiciel de graphisme !

Des excuses qui laissent à désirer

L’institut des Femmes a rapidement réagi et s’est excusé personnellement auprès des trois femmes concernées. Dans un tweet datant du 30 juillet, l’organisme a précisé « qu'à aucun moment nous n'avons eu conscience qu'il s'agissait de vrais modèles. Nous résolvons cela avec l'auteur et nous allons contacter les mannequins pour résoudre ce problème ». Il a ensuite gentiment proposé aux femmes de collaborer dans le futur sur d’autres projets autour de l’inclusion, en répétant que le travail commandité avait bien été une illustration qui ne nécessitait pas la mobilisation de mannequins. 

L’Institut a donc renvoyé la faute sur l’artiste à l’origine de la fameuse campagne, ArteMapache. Face à l'esclandre grandissant, l’illustratrice n’a pas eu d’autres choix que d’apporter des explications. Dans un thread Twitter lunaire, elle a demandé pardon à Juliet, Nyome et Sian, mais également à Dafont pour avoir en plus plagié la police de caractères sans payer la licence, « pensant qu’elle était libre d’accès ». Elle a ensuite considéré que le meilleur moyen de pallier le préjudice causé était de partager à parts égales la rémunération reçue pour l’affiche, 4490€, avec les trois autres femmes dont elle s’est « librement inspirée ». « J'espère pouvoir résoudre tout cela au plus vite, j'accepte mes erreurs et c'est pourquoi j'essaie maintenant de réparer les dégâts causés », a-t-elle conclu. C'est vrai qu'elle a simplement dû forcer sur les coups de pinceaux graphiques. Et comble de l'ironie : l'artiste a quand même choisi trois militantes activement engagées autour de la body positivity pour en détourner les images...

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