Une séance photo avec une dame âgée d’une communauté indigène, réalisée par la marque préférée des bobos parisiennes, a fait scandale au Mexique. Face au tollé, sa fondatrice, Morgane Sézalory s’est fendue d’un message d’excuse. Et en le lisant, entre le drama et le pathos, notre cœur balance.
Voilà qui n’améliorera certainement pas la formidable réputation des Français·es en voyage à l’étranger. Alors que Sézane, marque de vêtement préférée des bobos parisiennes, était il y a peu au Mexique pour sa future campagne, l’ONG mexicaine Lienzos extraordinarios publiait sur Instagram, le 9 janvier, une vidéo pour le moins lunaire. Sur cette dernière, tournée dans l’État mexicain de Oaxaca, une femme indigène âgée assise et vêtue d’un gilet vert siglé Sézane est photographiée par une équipe de tournage de la marque parisienne. Au rythme de la chanson Those were the days, de Mary Hopkins, la vieille dame est ensuite invitée à danser par une membre de l’équipe – dont certain·es ne portent pas de masque. Et toujours sous le crépitement des objectifs. Si la désagréable impression de « zoo humain » qui se dégage de la scène s’est révélée problématique pour nombre d’internautes, le shooting photo s’est aussi attiré les foudres des autorités mexicaines.
Car la mannequin d’un jour s’avère faire partie de la communauté Zapothèque et il se trouve que le gouvernement sud-américain voit d’un très mauvais œil les marques de luxe qui s'approprient depuis plusieurs années, selon lui, l'image des natif·ves mexicain·es (quand ce n'est pas leur culture ou leur artisanat). Quelques jours après la diffusion des images, l’Institut national des peuples indigènes s’empresse donc de condamner « l’exploitation de l’image de personnes indigènes » et lance même « un appel aux marques et aux entreprises privées pour qu’elles cessent d’exploiter les peuples et les communautés indigènes et afro-mexicaines en tant que capital culturel ». Face au tollé, la fondatrice de Sézane Morgane Sézalory s’est fendue d’un message d’excuse en anglais qui, si l’on doit lui laisser le bénéfice du doute, n’est pas moins étonnant que la vidéo en elle-même. Et en le lisant, entre le drama et le pathos, notre cœur balance.
« Une rencontre entre deux cœurs »
En tant que femme « très sensible et les pieds sur terre », Morgane aurait rencontré la vieille femme dans la rue, au hasard d’une déambulation. Il s’en serait suivi un « échange de joie et de rires », « une rencontre entre deux cœurs ». Sortez les mouchoirs. Mais si la fondatrice est une « amoureuse des gens », elle n’en oublie pas pour autant d’être « spontanée ». Une spontanéité qui aboutira donc à un rendez-vous donné deux jours plus tard pour « réaliser de belles photos ».
Un projet « non-commercial », mais destiné au journal de bord de la créatrice selon ses mots. Mais vient l’heure de la rencontre et le cœur pur de Morgane Sézalory déborde encore d’amour. Que faire pour ses équipes restées en France, ces malheureux·ses qui n’ont pas vu voyager jusqu’au Mexique ? « Partager ces souvenirs bien sûr ! » La rencontre, qui se voulait spontanée on le rappelle, se transforme alors en shooting photo professionnel, avec équipe de tournage, spots lumineux et gilet siglé Sézane sur les épaules de la vieille dame mexicaine.
Une générosité à 8 euros
Si Morgane souligne « ne pas être au courant du montant d’argent » donné à vieille femme « puisque son équipe s’en charge », la fondatrice précise avoir « confiance en eux pour être aussi généreuse et juste qu’elle est toujours elle-même ». Morgane Sézalory devrait être attentive aux fiches de paie de ses employé·es puisque cette générosité s’est élevée selon les sources sur place… à 200 pesos. Environ 8€. Soit 14 fois moins que le prix du gilet que cette vieille dame portait et qu’elle ne pourra certainement jamais s’acheter.
Cerise sur le gâteau, la généreuse Morgane Sézalory « invite » qui veut la lire à se rendre à Paris, afin de vérifier de visu que « son cœur est son seul guide ». Sézane a depuis plié bagage et annulé sa campagne mexicaine mais on espère tout de même voir un jour ce journal de bord à la conception si léchée. En attendant, nous souhaitons surtout un bon courage aux Mexicain·e de passage à Paris s’il leur prenait l’envie soudaine de faire danser les mamies de la capitale.
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