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Capture d'écran du site d'Ambaza

La com­mu­ni­ca­tion de crise de « l'école d'influenceurs » Ambaza est un naufrage

Depuis que Twitter se moque de la « pre­mière for­ma­tion pour deve­nir influen­ceur », « l'école » décriée se débat pour éteindre le bad buzz dans un exer­cice de haute vol­tige rhé­to­rique. Ne faites pas ça chez vous.

« Vous avez une pas­sion ? Vous avez une exper­tise ? Vous avez un mes­sage ? Devenez créa­teur de conte­nu. Devenez influen­ceur. » C'est avec cette intro­duc­tion que s'ouvre le site inter­net d'Ambaza, dont la pro­messe est de déli­vrer la « pre­mière for­ma­tion pour deve­nir influen­ceur » en France. De quoi appâ­ter les plus jeunes : beau­coup en rêvent, peu sont élu·es, alors pour­quoi ne pas mettre toutes les chances de son côté et apprendre les rouages de l'influence ?

Certes, être une star des réseaux sociaux qui récolte likes et par­te­na­riats n'est pas fran­che­ment un métier. En tout cas, pas de ceux recon­nus par votre mère qui vous pré­fé­re­rait avo­cate, ni par la pla­te­forme d'orientation post-​bac de l'Éducation natio­nale par­cour­sup, qui vous ren­voie vers de sinistres for­ma­tions « d'ingénieur numé­rique » quand vous y effec­tuez la recherche « influen­ceur ». Et c'est pré­ci­sé­ment pour com­bler cette absence de pers­pec­tives qu'Ambaza estime être en droit d'intervenir.

Lancée il y a quelques mois pour « for­mer des influen­ceurs pro­fes­sion­nels », Ambaza a fait une entrée toni­truante sur inter­net lorsque, le 11 juillet, un cer­tain @8kmoh par­tage sur Twitter une vidéo de réclame de la start-​up sur laquelle les cli­chés – jeunes femmes rou­lant des fesses en maillot bré­si­lien, cham­pagne ouvert d'une main experte et virile, montre bien dorée au poi­gnet, gus sor­tant d'un jet pri­vé pour filer avec sa valise dans une grosse ber­line – se bous­culent. La voix suave de la jeune femme qui nous vante les mérites de la for­ma­tion Ambaza susurre : « L'objectif pour chaque élève est d'obtenir 20 000 fol­lo­wers Instagram et de géné­rer plus de 5000 euros par mois. » Et de ten­ter de faire rêver le·la chaland·e : « La for­ma­tion coûte 1200 euros mais elle sera tota­le­ment finan­cée pour les quinze pre­miers can­di­dats. » Le sou­ci, c'est que la plu­part des inter­nautes ont trou­vé la démarche un brin hors-​sol et l'ont fait savoir sur Twitter.

Une for­ma­tion à 1200 euros

Les accu­sa­tions d'« arnaque » arrivent rapi­de­ment quand la Twittosphère se rend compte que l'entreprise der­rière Ambaza est ins­tal­lée dans le para­dis fis­cal de Malte et que les cours dis­pen­sés – qui ne délivrent évi­dem­ment aucun diplôme offi­ciel – consistent en trois maigres jours de for­ma­tion ini­tiale en visio-​conférence (750 euros) et un accès à… un forum en ligne pom­peu­se­ment appe­lé « com­mu­nau­té pri­vée » regrou­pant les autres « appre­nants » (450 euros). Détail qui achève toute vel­léi­té de cré­di­bi­li­té et sus­cite la risée : cen­sée excel­ler dans l'influence, Ambaza est quasi-​introuvable sur Instagram (quand on cherche bien, on trouve un compte vide de tout conte­nu à trois abon­nés) et, à l'heure où nous écri­vons ces lignes, leur page Facebook n'a réuni que 22 « j'aime ».

Vexée qu'on se moque et qu'on lui cherche des poux, Ambaza entame alors un long et dou­lou­reux tra­vail de com­mu­ni­ca­tion de crise pour épon­ger la honte. Le jour même du tweet de @8kmoh, « l'école » publie une mise au point sur son site inti­tu­lée Twitter veut des réponses ? Ambaza répond à Twitter !. Ambaza y écrit que « les gens disent n'importe quoi (sic) » et tente de res­ter digne en adop­tant le fameux adage « qu'on parle de moi en bien ou en mal, peu importe, l'essentiel, c'est qu'on parle de moi » : « Toute l’équipe d’Ambaza sou­haite cha­leu­reu­se­ment remer­cier @8kmoh pour son tweet, qui a eu le mérite de créer un débat pour le moins inté­res­sant ! Et acces­soi­re­ment pour la publi­ci­té qu’il nous a faite… 1.6M de vues sur notre vidéo et 40k visites de notre site en quelques heures, pour une jeune star­tup c’est une aide pré­cieuse ! » C'est comme ça, dans le milieu de l'influence : lais­sons les rageux rager, et la cara­vane passe. 

Relents com­plo­tistes

Sur le fond, la mai­son mère d'Ambaza, qui explique être une « agence digi­tale » du nom de Consumédias, dégaine les gros argu­ments du type « la presse est morte, vive l'influenceuse expat à Dubaï », le tout avec des relents com­plo­tistes : « Les grands médias actuels sont cen­tra­li­sés et l’information qu’ils dis­pensent est fil­trée – ces deux der­nières années l’ont bien prou­vé. La décen­tra­li­sa­tion de l’information pas­se­ra par de mul­tiples per­sonnes gagnant et pré­ser­vant la confiance de leur audience, et le terme géné­rique uti­li­sé aujourd’hui pour décrire ces per­sonnes est : Influenceurs. » Avec un I majus­cule, s'il vous plait.

Cette petite mise au point n'ayant pas « buz­zé » suf­fi­sam­ment à son goût, Ambaza réitère avec un com­mu­ni­qué de presse publié sur son site le 14 juillet (on y apprend entre autres que « l'école » aurait déjà for­mé cent élèves, que « 70 influen­ceurs en herbe sont ins­crits à [sa] com­mu­nau­té » et qu'elle reçoit « plus de 20 can­di­da­tures chaque jour »). Mais ce n'est pas fini : Ambaza a trou­vé le filon du bad buzz et ne compte pas le lâcher comme ça. Deux jours après, le 16 juillet, c'est au compte LinkedIn d'Ambaza (70 abonné·es au comp­teur) de se mettre en branle pour sau­ver l'e‑réputation des deux confon­da­teurs de la boite, Nicolas Brzustowski et Rémy Halgrain. Cette fois, Ambaza tente d'allumer un contre-​feu au sujet de l'insupportable vidéo de pro­mo­tion de ses ser­vices dif­fu­sée sur Twitter en en publiant une… Cent fois pire. 

Cette vidéo tour­nant en ridi­cule des per­sonnes ne cor­res­pon­dant pas aux très hauts stan­dards de beau­té en cours chez les Instagrammeur·euses est cen­sée être un argu­ment en faveur de l'autre vidéo. Franchement, com­prenne qui pour­ra, à ce stade, on ne sait plus quoi vous dire. Mais ce n'est TOUJOURS PAS FINI.

Comme un appel de détresse

Le 20 juillet, c'est car­ré­ment dans notre boite mail Causette qu'on trouve un nou­veau com­mu­ni­qué de presse, dans lequel la boite de rela­tions presse qui nous le fait par­ve­nir lance une requête à la presse qui res­semble à un appel de détresse : « SVP avant d’écrire de nou­veau des­sus, contactez-​nous. Nous pour­rons orga­ni­ser des inter­views avec le fon­da­teurs afin de cla­ri­fier tout mal­en­ten­du. » Autant vous dire qu'on risque de se faire taper sur les doigts pour ne pas l'avoir fait. 

Le com­mu­ni­qué res­sasse les infos déjà écrites plu­sieurs fois ailleurs, et se jus­ti­fie une énième fois de sa très maigre exis­tence numé­rique : « Cela n’aurait pas eu de sens de publier sur les réseaux avant d’avoir fait nos preuves. La stra­té­gie que nous avons choi­sie pour Ambaza est liée à nos élèves : leurs témoi­gnages, leurs pro­jets, leurs suc­cès. Les pre­miers mois d’activité sont foca­li­sés sur la for­ma­tion des pre­miers élèves et par la suite, nous nous lan­ce­rons sur les réseaux sociaux en nous appuyant sur les suc­cès de nos élèves », pré­cise, dans ce com­mu­ni­qué, Nicolas Brzustowski. 

90 abonné·es pour l'une des jeunes femmes formées

Sur les témoi­gnages en ques­tion, nous en avons trou­vés trois sur la chaîne YouTube d'Ambaza (54 abonné·es mais oh, ils vous ont dit qu'ils n'ont pas le temps pour se pré­oc­cu­per de leurs propres fol­lol­lows, là, lais­sez les tran­quilles). Dedans, Fatima, Allouaia et Tiffany, pré­sen­tées comme des anciennes élèves, répondent en visio aux ques­tions d'une per­sonne mys­tère de chez Ambaza pour un retour sur expé­rience. « Comment s'est pas­sée votre for­ma­tion ? » « Ça s'est super bien pas­sé, d'ailleurs, c'était vrai­ment trop trop bien, semble ten­ter de se convaincre Allouaia. On a eu l'occasion d'apprendre de nou­velles choses, d'apprendre plein de choses. » Rien de plus pré­cis ne sera lâché par ces jeunes femmes, mais on remer­cie Fatima d'oser dire, si elle peut se le per­mettre, qu'elle aurait appré­cié, au prix où cela lui a coû­té, être for­mée à l'utilisation de logi­ciels tels qu'Adobe illus­tra­tor ou Canva. 

Mais tout cela pour quels résul­tats ? Seule la vidéo de Tiffany men­tionne son compte Instagram, qui nous ramène à une cruelle réa­li­té : la jeune femme, qui indique dans son témoi­gnage vou­loir « gagner sa vie » en tant qu'influenceuse spé­cia­li­sée sur la « mode femmes-​enfants » parce qu'elle aime « être accor­dée ves­ti­men­tai­re­ment avec [ses] enfants » n'a, à l'heure où nous écri­vons ces lignes, que 90 abonné·es. La poudre aux yeux Ambaza est des plus urticantes.

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