Canicule, incendies, sécheresse : le monde crame. Le thermomètre s’est affolé jeudi 30 et vendredi 31 juillet, avec des températures atteignant 40 et 41 °C en Auvergne-Rhône-Alpes et en Île-de-France.
Face au marasme du réchauffement climatique, le spécialiste de la publicité urbaine JCDecaux veut faire sa part. Responsable, à l’en croire, l’entreprise a eu une idée de génie : un Abribus « fraîcheur naturelle » contre la canicule, selon son communiqué. Objectif : « Améliorer la vie en ville. » Le premier prototype est à tester en ce moment « en conditions réelles », se réjouissait la communauté d’agglomérations de Saint-Quentin-en-Yvelines (Yvelines), dans un post Facebook du 29 juillet.
À la rédaction, on ne s’est pas fait prier pour expérimenter l’engin. Ni une ni deux, nous voilà, le 2 août, à Montigny-le-Bretonneux, devant la gare de Saint-Quentin-en-Yvelines – Montigny-le-Bretonneux, à l’angle des avenues du Centre et Gustave-Eiffel, où se dresse cet « Abribus » un peu particulier.
Comme son nom l’indique, il a tout d’un Abribus, avec son petit banc en bois, sauf qu’aucun bus ne s’arrête devant. Non, mesdames, cet Abribus intelligent vous apporte ombre et fraîcheur en cas de coup de chaud. Il fonctionne grâce à un procédé de « rafraîchissement par évaporation d’eau », explique JCDecaux. Quésaco ? Des eaux pluviales récupérées en amont arrivent jusqu’au module de rafraîchissement. « Des ventilateurs assurent, en cas d’absence de vent, le passage de l’air chaud à travers la paroi. L’air ainsi refroidi est dirigé vers les usagers qui attendent sous l’abri. » Qui « attendent » Godot, puisque le bus ne passe pas.

Installé sur une estrade en bois, l’Abribus trône comme un objet non identifié, au milieu de ce mélange d’asphalte des routes et du béton des constructions. Il est, en effet, planté au cœur d’une aire piétonne, à quelques pas de la gare, face au centre commercial Espace Saint-Quentin. Le groupe industriel table sur une différence de « 2 °C quand la température se situe entre 25 et 27 °C », on ne peut que les croire, mais pour nous, ça ne s’est pas révélé très concluant.
L’« esthétique » en bois brut et les couleurs claires qui rappellent, selon JCDecaux, « des pergolas », invitent « les passants à profiter de cet abri convivial et accueillant ». Avec un peu d’imagination, on se croirait presque sur la piazza ombragée d’un village italien au charme reculé. Sauf que… pendant que nous prenions nos aises sur le banc, aucun passant n’a trouvé l’objet assez « convivial et accueillant » pour s’y reposer. La communication de JCDecaux et la mairie ne semblent pas avoir réussi à faire connaître l’innovation. On a interpelé les passants (comme dans un village italien, on alpague nos voisins avec bonhommie) : personne ne savait à quoi servait l’objet.
À dire vrai, seule une dame de 50 ans s’est réjouie de ce qu’« un peu d’ombre ne ferait pas de mal » lorsque l’on passe par le centre-ville chargé des courses ou de valises en plein cagnard. Forcément, l’endroit ne compte que huit bébés arbres.
Sur Facebook, les habitant·es de Montigny-le-Bretonneux se sont interrogé·es sur l’utilité d’une telle invention, et de son prix pour le contribuable… Tant et si bien que la communauté d’agglomérations de Saint-Quentin-en-Yvelines a fini par supprimer sa publication. À lire les internautes, ils et elles auraient, semble-t-il, préféré la fraîcheur naturelle d’un arbre… Tandis que les plus virulent·es ont crié au greenwashing, à l’instar de @Bonpoteofficiel, le créateur du hastag #balancetongreenwashing.
Comme nous, vous n’êtes pas convaincu·es par l’Abribus, et vous vous demandez comment faire face aux canicules sans ventilo ni brumisateur, qui consomment leur part d’électricité ? Au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), on s’est aussi posé la question. Parmi les solutions préconisées par les chercheurs vient en tête « la végétalisation des villes ». Mais avouez qu’un banal arbre, ça fait tout de suite moins high-tech.