Une histoire de gros sous et de maxi honte pour la France.
Pour le rendu visuel et symbolique, on peut imaginer sans difficulté que le projet devrait être au croisement d’une guérite d’office du tourisme et de la tente bédouine du dictateur libyen Khadafi plantée sous les ors de l’Hôtel de Marigny en 2007 avec l’aval du président Nicolas Sarkozy. Le Royaume d’Arabie saoudite a pour ambition d’installer un “village saoudien” sur le site même des Invalides à Paris, à compter du 10 mai 2024 et jusqu’à la fin des Jeux olympiques 2024. Comme tout espace de réception des pays concourant aux JO, ce pavillon devrait être à la fois le terrain de rencontres diplomatiques et d’accueil du public pour promouvoir les mérites culturels et touristiques de l’Arabie saoudite.
Mais l’idée en crispe plus d’un·e. Selon Nathalie Serre, députée Les Républicains et membre de la commission Défense à l’Assemblée nationale, qui s’en est émue hier lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, ce projet d’installation d’espace de réception saoudien est prévu “à proximité de l’entrée de la nécropole militaire, du côté du dôme”, soit à deux pas de la nécropole de Napoléon.
Sommé de s’expliquer de l’attribution d’une place de choix, dans l’un des hauts lieux de la République, à la pétromonarchie saoudienne, le gouvernement a bafoué. “Je vais tenter de répondre sur ce que je sais. Effectivement, ce sont des informations que nous avons pu avoir. Aujourd’hui, rien n’est concret et rien n’est fait. Je comprends vos interrogations, mais je ne répondrai pas sur des choses qui ne sont pas faites ni signées”, a temporisé dans l’Hémicycle Patricia Mirallès, Secrétaire d’État auprès du ministre des Armées, chargée des Anciens combattants et de la Mémoire, dont dépend la gestion du site des Invalides. Une réponse pour le moins gênée aux entournures, qui a suscité l’agacement de la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, pourtant du même bord politique. “Je vous remercie d’indiquer à chaque ministre qu’il faudrait vraiment qu’il réponde aux questions que lui pose le Parlement”, a‑t-elle demandé à Marie Lebec, ministre chargée des Relations avec le Parlement français.
Des Rafale et une centrale hydroélectrique à vendre
En déplacement à Toulouse, le ministre des Armées Sébastien Lecornu a, lui, évoqué un simple “projet porté par le Royaume d’Arabie saoudite”, rapporte Le Parisien. Et d’ajouter : “Je crois savoir que l’Arabie saoudite a proposé de participer au financement du musée de l’armée et de l’Institut national des Invalides (INI) au titre d’une opération de mécénat.”
Car c’est là le nerf de la guerre : certes, dérouler le tapis rouge aux Invalides à un pays qui bafoue allègrement les droits humains et exploite jusqu’à la moelle ses ressources naturelles pour des projets pharaoniques marque mal pour la France, censée faire de ces jeux un modèle d’égalité entre les sexes et de responsabilité écologique. Mais il serait ici histoire de gros sous… Au-delà du financement du site-musée des Invalides, Sébastien Lecornu a “suggéré un intérêt pour la France sur le plan de la défense”, détaille Le Parisien. De quoi laisser penser qu’offrir les Invalides à l’Arabie saoudite nous faciliterait la vente de quelques avions Rafale actuellement mis en concurrence par les Saoudiens avec les Typhoon britanniques, il n’y a qu’un pas.
Finalement, les intérêts industriels français semblent s’accommoder parfaitement de la politique externe (coucou, la guerre au Yémen) comme interne de l’Arabie saoudite. Ce 1er mars, France Info révèle qu’EDF a l’ambition de fournir une méga centrale hydroélectrique acheminant de l’eau dessalée de la mer rouge pour alimenter en électricité le projet fou du prince Mohammed Ben Salman de mégalopole dystopique Neom, sise en plein désert – et dont les pistes artificielles de ski sont censées accueillir les jeux asiatiques d’hiver en 2029 – au grand dam de la plupart des salarié·es d’EDF, consterné·es.