Depuis 2018, NousToutes rime avec Caroline De Haas. Mais la militante a laissé place, le 28 novembre, à une nouvelle génération de féministes, dont Marylie Breuil, aujourd’hui porte-parole du mouvement, fait partie.
Dans la marée violette du 20 novembre, lors de la marche parisienne #NousToutes contre les violences faites aux femmes, l’équipe de Causette a intercepté Caroline De Haas. « Je ne donne plus d’interviews » a décliné la fondatrice du mouvement, organisatrice de la manifestation. Avant de répliquer : « Suivez-moi, je vais vous présenter Marylie Breuil, elle répondra à vos questions. » Marylie, c’est cette militante de 23 ans, au regard assuré et au ton posé, dont vous avez certainement déjà aperçu le visage encadré de cheveux blonds dans les médias. Depuis plusieurs mois déjà, sur les plateaux télévisés, Caroline De Haas s’est effacée, pour laisser place à la « relève », comme elle l’appelle. Le 28 novembre, à travers un message publié sur les réseaux sociaux et sur le blog de Médipart, Caroline De Haas annonçait officiellement son départ du mouvement.
Quand on demande à Marylie si elle est désormais la nouvelle tête d’affiche de NousToutes, son ton assuré semble défaillir, elle hésite, gênée, avant de concevoir finalement : « Oui, on peut dire ça. C'est moi qui prendrai la relève au niveau des médias. » Mais l’organisation reste inchangée : une vingtaine de personnes se coordonnent en différents pôles pour organiser les multiples actions menées par le mouvement féministe. Depuis février déjà, les militantes NousToutes ont connaissance du départ de la fondatrice du mouvement, permettant une transmission de compétences sur le long terme. « On ne s'y attendait pas », admet la nouvelle porte-parole, « mais la rupture ne s’est pas faite d’un coup ». Sur son billet de blog Médiapart, Caroline De Haas mentionne une « formation sur le tas », elle explique : « À plusieurs reprises, j’ai embarqué les plus jeunes avec moi dans l’animation de réunions avec des associations, des échanges téléphoniques en off avec des médias, l’écriture d’un communiqué ou d’un mailing… » La relève a donc eu le temps de se former et à se faire à l’idée du départ de l’initiatrice du mouvement. « On a forcément rejoint NousToutes grâce à elle à un moment ou à un autre », admet Marylie, confiant : « C'est un peu notre modèle à toutes. » Pourtant, de son côté, la jeune femme semble être prête à assumer ce rôle depuis longtemps.
Une étudiante qui se démarque
L’ambition et la persévérance sont les maîtres-mots qui définissent Marylie Breuil. A peine âgée de 23 ans, son parcours l’illustre déjà. En parallèle de sa prépa littéraire réalisée à Avignon, ville d’où elle est originaire, elle valide avec mention une licence de géographie à l’Université de Lyon et une licence d’Histoire à l’Université d’Aix-Marseille. Elle s’oriente ensuite vers un master de politique transnationale à l’Université Paris VIII. Souhaitant se spécialiser davantage, elle bifurque ensuite vers un Master de Science Politique à l’Université Paris II Panthéon-Assas. En 2019, deux semaines après son arrivée à Paris, l’étudiante, désireuse de s’engager dans la lutte pour le droit des femmes, se rapproche du mouvement de Caroline De Haas et crée un comité NousToutes à Paris VIII. « Comme beaucoup d'entre nous, j'ai vécu des violences, témoigne-t-elle. Je me suis rendu compte que beaucoup de mes copines aussi et qu'il fallait que ça change. »
Trois semaines plus tard, Marylie participe à sa première action, une manifestation non déclarée devant l’Elysée, contre les féminicides. Pour une entrée en bonne et due forme dans le militantisme, elle finira la nuit en garde-à-vue. Aujourd’hui, elle soutient : « Ça ne m’a pas découragée, au contraire. » Preuve en est, en 2019, elle participe à toutes les actions organisées à Paris et en Île-de-France. En 2020, elle suit les formations en ligne du collectif (qui sensibilisent aux différentes thématiques de la lutte féministe) et lorsque la fin du confinement arrive, elle saisit l’occasion de s’investir encore davantage. Force de proposition, elle se démarque sur différents projets, en tant que membre du pôle réseaux sociaux et du pôle médias. A côté, Marylie Breuil est également collaboratrice parlementaire à mi-temps auprès d’une députée spécialiste de la diplomatie féministe.
Mettant en lien ses études et son militantisme, elle représente NousToutes une première fois en effectuant un premier plateau TV chez France 24 en juin 2021, dans le cadre du Forum génération égalité. Son mémoire de Master 1 portant sur la diplomatie féministe en France, elle se charge des différentes demandes médias sur le sujet : « J'étais la plus experte là dessus, admet-elle. C'était un exercice qui m'a plu et dans lequel j'ai évolué. » De fil en aiguille, son aisance auprès des médias et son investissement feront d’elle la nouvelle porte-parole du mouvement. « Caroline avait repéré que j'étais assez active et que je travaillais bien », se souvient-elle, avant d’ajouter « et il n’y a pas beaucoup de monde qui veut prendre cette position là et se montrer dans les médias ». De son côté, le rôle la satisfait.
L’avenir de NousToutes
En annonçant son départ, Caroline de Haas confiait ne plus parvenir « à voir l’étape d’après », s’interrogeant : « Comment faire encore progresser le féminisme et la lutte contre les violences ? Je ne sais pas. (…) Je pense que je ne suis plus la bonne personne pour l’imaginer. » Ses espoirs reposent sur la nouvelle génération. Et elle n’a pas tort de croire en cette dernière. Car lorsque l’on mentionne auprès de Marylie Breuil, « l’étape d’après », son enthousiasme est palpable dans sa voix, son discours s'accélère, sa motivation est limpide. « On a énormément de projets qui arrivent, on a plein d'idées. » Des ambitions pour NousToutes, elle et ses camarades, en ont beaucoup. « On est vraiment très motivées », assure-t-elle, comme si le doute planait encore. Si ces actions sont multiples, le prochain objectif reste l’élection présidentielle : « On va créer un rapport de force en vue des élections, en faisant, par exemple des “debunks” de prises de parole des candidats et candidates ». Les trois points au cœur du programme 2022 de NousToutes seront donc de continuer à maintenir la pression, sensibiliser et former – « parce qu’on est dans une société qui ne le fait pas ».
Marylie Breuil ne cache pas le fait que des discussions majeures vont également avoir lieu en interne : « On prévoit de réfléchir à quel tournant donner au mouvement. Est-ce qu'on va rester sur la même ligne, est-ce qu'on va partir dans quelque chose d'autre ? » La nouvelle génération ne perd pas de vue l’objectif de s’inscrire dans son temps, d’évoluer, au même rythme que le féminisme évolue. Depuis quelque temps déjà, la nouvelle équipe « a accentué énormément le tournant intersectionnel de NousToutes. » Si le collectif a pu être critiqué dans le passé en raison de son manque supposé d’inclusivité, Marylie Breuil tente de lever ces aprioris et insiste : « Pour moi, il n'y a pas de féminisme sans intersectionnalité. »