Haute comme trois pommes, elle a fugué pour échapper à sa propre mutilation. Et s’est dressée contre sa communauté kényane pour que ce rituel barbare sur les fillettes soit remplacé par un rite de passage qu’elle a initié. Aujourd’hui, elle veut porter son combat au-delà des frontières.

Si la détermination avait un visage, il pourrait être celui de Nice Nailantei Leng’ete. Elle avait à peine 8 ans, en 1999, quand son grand-père et ses oncles ont décidé qu’il était temps pour elle de « devenir une femme ». Dans le petit village où elle a grandi, sur les plaines massaï du sud du Kenya, au pied du mont Kilimandjaro, cela signifiait, à l’époque, subir un rite de passage obligatoire : l’excision. Une mutilation génitale qui consiste en l’ablation, partielle ou totale, du clitoris et des petites lèvres. La jeune fille est alors prête, selon la tradition, à devenir une épouse, puis une mère. Nice et sa sœur aînée Soila sont orphelines, elles représentent une charge pour la famille qui, lors de leur mariage, recevra une dot de plusieurs vaches.
La pression de la honte
« J’ai dû assister à quelques cérémonies, censées me préparer, raconte Nice. Lorsque les filles sont “coupées”, malgré la douleur, elles n’ont pas le droit de pleurer ou d’émettre le moindre son. Cela serait un signe de faiblesse et déshonorerait leurs parents. » Cette honte est l’une des raisons pour lesquelles la pression sociale est forte sur celles qui se montrent réticentes. « Dès l’enfance, on nous raconte que les femmes qui ne sont pas excisées mourront, n’auront pas d’enfants, ou que des insectes viendront infester leur estomac », dit Nice. Mais, malgré son jeune âge, elle n’y croit pas.
« À la mort de mes parents, on m’a scolarisée dans un internat, relate-t-elle. Là-bas, il y avait des filles d’autres communautés qui ne pratiquent pas l’excision. J’avais aussi une institutrice qui m’avait dit ne pas être “coupée”. Non seulement elle était en bonne santé, mais c’était une femme bien, et je l’admirais. » Nice ne veut pas de la souffrance infligée par ce rituel, né des croyances traditionnelles et du patriarcat qui régit la société massaï. Arrêter l’école et se marier n’est pas l’avenir qu’elle envisage dans ses rêves. Du haut de ses 8 ans, elle est décidée à poser un choix qui deviendra son combat.
Première fuite
À l’aube, le jour de l’initiation, c’est surtout la peur qui la pousse à s’enfuir, avec sa sœur, pour éviter la cérémonie. Pendant des heures, elles se cachent dans un arbre, en équilibre instable sur une branche haute. « Quand on nous a trouvées, nous avons été violemment battues,[…]