
Féministe de la première heure, elle chante depuis vingt ans ses combats intimes, qu’elle mêle à ceux de toutes les femmes. Cette fois, Jeanne Cherhal crie haut et fort, dans son sixième album, qu’elle entre avec le sourire dans L’An 40. Au sommet de son art, elle aborde cette nouvelle décennie pleine de promesses avec exaltation.
Sur la pochette de son nouveau disque, elle pose, menton relevé, le bras au-dessus de la tête, l’aisselle touffue et fière. Comme sous l’égide de ses sœurs avant elles : Patti Smith en tête. Elle pose comme elle est. Plus nature, tu meurs. « Cette image n’est pas anodine. Je ne suis pas maquillée, pas épilée, pas retouchée. Ne pas céder à certains diktats, ne pas proposer au public une image lissée d’une femme de 40 ans, c’était très important pour moi. Et cette photo est à l’image de mon disque : une prise de liberté », nous souffle-t-elle d’une voix aussi modeste que déterminée, dans un petit café tout aussi simple, sur les hauteurs de Belleville, à Paris, quartier où elle vit depuis vingt ans.
Elle est menue comme une brindille, les cheveux tirés en queue de cheval, le visage encadré d’une frange qui lui donne un air d’adolescente. Pourtant, Jeanne Cherhal entre, les « hanches qui roulent, facile, naturelle », « un peu cabri un peu gazelle », dans L’An 40. Et c’est peu dire qu’elle vit cet âge – où, habituellement, on prie les femmes de bien vouloir dégager le terrain – comme une bénédiction. L’amour qu’elle a pris le temps de choisir et de trouver a pointé son nez. L’enfant tant désiré dont elle a chanté l’attente dans son précédent album (Comme je t’attends) fait sa rentrée en grande section le jour de notre rencontre. « La maternité est, pour moi, une expérience très positive. J’aime être parent et j’ai aimé découvrir mon mec en tant que père. Bien sûr, c’est une aventure pleine de questionnements, mais ça m’a aidée à m’ancrer dans la vie. C’est un vrai pilier », dit-elle avec pudeur.
Un âge magique
Voilà, entre autres, ce qui comble cette décennie bénie. « À 40 ans, on a construit des trucs. On est au clair avec ce qu’on aime ou pas. On sait où on en est. Et puis, surtout, on n’est a priori qu’à la moitié de sa vie. Il y a encore tant de choses à accomplir, tant de virages à prendre, c’est hyper excitant », assure-t-elle les yeux pleins de malice. « On est conditionnées à se voir comme déclinantes à partir de 40 ans, vu que toutes les filles supposées incarner la beauté et le désir en ont 25 dans les pubs et les magazines. Mais à 40 ans, on est encore belles ! On a des choses à dire, du pouvoir, de la force et du sex-appeal ! » ajoute-t-elle. Pour célébrer cet âge magique, elle publie, depuis la révélation de la sortie de ce nouvel album, sur son compte Instagram, des photos des femmes qu’elle aime dans leur quarantième année : Christiane Taubira, Claire Bretécher, Jane Birkin, Agnès Varda, Florence Aubenas, Virginie Despentes ou Anne Sylvestre.
Son féminisme, Jeanne Cherhal ne l’a pas attrapé au vol après #MeToo ou par opportunisme, sentant la tendance prometteuse. Oh non… Ses convictions l’habitent depuis bien longtemps. Et ses chansons parlent pour elle. En 2004, déjà, elle sortait un album intitulé Douze Fois par an, du nom de sa chanson du même nom sur les règles, « ce mal vif et lourd, qui la tient nuit et jour ». « Clairement, à l’époque, j’avais dû batailler pour faire passer ça à ma maison de disques », se souvient-elle. Il y a quinze ans, écrire sans détour sur[…]