Sans elles, la situation serait bien pire. Rencontre avec ces militantes qui, toute l’année, bataillent sur le terrain pour aider les femmes victimes de violences. Certaines en ont fait leur métier, d’autres sont bénévoles. Mais toutes sont mues par le même élan : protéger leurs sœurs. Elles nous racontent ce qui les tient, et pourquoi, tous et toutes ensemble, il ne faut rien lâcher !
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Maïté Albagly
Ancienne directrice du numéro Femmes Violences Info service, écoutante du 3919 pendant le confinement
« Le 3919 est une asso que j’admire beaucoup. Pendant le confinement, nous recevions en moyenne neuf cents appels par jour, soit 40 % de plus que d’ordinaire. Avant tout, on écoute. L’important quand on est écoutante, c’est de ne jamais être frustrée. Il faut comprendre que parfois, les femmes reviennent auprès de l’agresseur, que ça fait partie du parcours des victimes. C’est pour ça que toutes nos écoutantes – vingt et une – sont formées et salariées. Nous avons aussi quarante ans de connaissance du réseau militant, ce qui nous permet d’orienter les femmes vers les assos adéquates – en cas de viol, de mutilations… Depuis des années, on demande à être plus nombreuses et que le 3919 soit accessible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. L’an dernier, le Grenelle a encouragé cette ouverture, mais pour ce faire, on ouvre le 3919 au marché public. Cela signifie que l’écoute risque d’être mise en concurrence entre des boîtes privées ! C’est très dangereux, ça m’inquiète. Ce qui fait chaud au cœur, c’est quand une femme appelle pour la première fois et arrive à mettre des mots sur son histoire. Je sens un tel soulagement… C’est la moitié du chemin parcouru. »

Sabrina Bellucci
Directrice de Viaduq-France Victimes 67, association qui organise
des rencontres entre condamnés et victimes de violences conjugales
« Les rencontres entre condamnés et victimes se déroulent dans des lieux neutres, avec des personnes qui ne se connaissent pas, sont volontaires et se voient plusieurs fois. Elles y sont préparées pendant plusieurs semaines. Je souhaitais qu’au-delà des dispositifs judiciaires, la parole des femmes soit entendue par les personnes concernées. Elles peuvent faire prendre conscience aux hommes des conséquences de leurs actes sur la vie des victimes, ce qui n’est pas possible dans un tribunal. Et cela donne du pouvoir aux femmes. Aujourd’hui, il y a des dizaines de dispositifs et on a certains moyens (taxis, téléphones “grand danger”…), mais pas l’organisation adéquate pour suivre les victimes. Ce qui me frustre aussi, c’est que dans les hébergements d’urgence, personne n’avait pensé à donner un pack de première nécessité aux femmes qui viennent pourtant de fuir ! On l’a mis en place illico. Après, je suis ravie de voir que le seuil de tolérance des femmes a baissé. De plus en plus de jeunes femmes s’indignent contre les violences psychologiques notamment. Ça arrête le cercle vicieux plus tôt. Et ma joie, c’est de voir les femmes qui s’en sortent. On devrait plus médiatiser ces histoires, pour montrer qu’il y a un “après”. Ce sont les victimes qui m’ont appris la dignité. Je leur en serai reconnaissante à vie. »

Fatima Le Griguer-Atig
Psychologue, fondatrice de l’Unité spécialisée d’accompagnement du psychotraumatisme (Usap) de l’hôpital Robert-Ballanger (Seine-Saint-Denis)
« À l’hôpital, rien n’était fait pour les femmes victimes de violences. Il m’est donc venu l’idée de créer l’Usap. Elle a permis de former le personnel au repérage et au suivi de ces femmes ; d’installer au sein même de l’hôpital des permanences de recueil de plaintes – ce qui non seulement sensibilise les policiers, mais permet aussi les dépôts de plainte tout de suite dans un environnement de confiance – et d’organiser un accompagnement thérapeutique. Nous proposons des séances groupées d’hypnose, des ateliers où les femmes peignent ce qu’elles ont du mal à verbaliser… L’équipe compte deux masseuses. Ce qui me met en joie, c’est d’être au plus près des femmes et de faire directement remonter notre expérience au ministère de la Santé, qui m’a contactée pour rédiger un cahier des charges de bonnes pratiques pour l’accompagnement des victimes. La question la plus épineuse est celle du logement. Il nous faudrait une assistante sociale pour trouver des hébergements. Car le téléphone “grave danger” n’arrête pas l’agresseur. Il faudrait qu’il ne puisse pas retrouver la victime. C’est pour ça qu’on attend avec impatience la mise en place du bracelet antirapprochement. Je sais que ce qu’on propose fonctionne. Quand une femme revient, me dit qu’elle a trouvé un travail et qu’elle va bien, c’est fantastique. »

Camille Bernard
Membre du comité de pilotage
du mouvement[…]