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Regarder par­tout où #MeToo n'a pas eu lieu

group of people holding happy birthday greeting cards
© Mélodie Descoubes

En ce mois d'octobre, nous fêtons les cinq ans de la révo­lu­tion #MeToo. Qui reste cir­cons­crite à cer­tains endroits du monde et à cer­tains milieux.

ÉDITO. Elles sont nom­breuses, les amies qui, lorsqu'on dit qu'en ce mois d'octobre 2022, nous fêtons les cinq ans du mou­ve­ment #MeToo, affichent leur sur­prise. « Ah bon ? Seulement cinq ans ? J'ai l'impression que cela fait une éter­ni­té, vu tout ce qui s'est pas­sé depuis et comme notre monde a chan­gé. » Si elles ont ce sentiment-​là, c'est que, nous l'expliquions ici, #MeToo a été l'occasion d'une révo­lu­tion poli­tique et intime.

Lire aus­si l Témoignages : ce que #MeToo a chan­gé dans la vie des femmes

Cette révo­lu­tion est cir­cons­crite à un espace. Celui du monde occi­den­tal qui, enfin, a prê­té atten­tion à la parole des femmes qui dénoncent des vio­lences sexuelles et sexistes. Ici, #MeToo a été l'occasion de vifs débats publics et média­tiques sur les notions de consen­te­ment, d'amnésie trau­ma­tique, d'emprise, de zone grise, de culture du viol et de rela­tions entre les femmes et les hommes au sens large. Dans ces mêmes espaces, où l'on a poin­té la défi­cience du sys­tème judi­ciaire depuis le dépôt de plainte, elle se mesure aux chan­ge­ments de lois qui ont sui­vi ces débats – en France, les délais de pres­crip­tion ont été élar­gis pour les vio­lences sexuelles à l'encontre des mineur·es et le consen­te­ment de ces dernier·ères ne peut plus être invo­qué dans une rela­tion sexuelle avec un adulte.

A l'inverse, nom­breux sont les pays où les voix des femmes qui ont ten­té de se joindre à ces cris de colère ont été étouf­fées ou igno­rées. A ce titre, la révo­lu­tion fémi­niste qui se joue actuel­le­ment en Iran est édi­fiante : nos sœurs ira­niennes se battent – et en meurent – contre une théo­cra­tie qui les main­tient empri­son­nées dans une cage de tis­su pour signi­fier la vio­lence d'une domi­na­tion mas­cu­line tein­tée de bon­dieu­se­ries. Dans un tel contexte répres­sif, com­ment pourrait-​il être ques­tion de #MeToo ?

En élar­gis­sant la focale, on com­prend le pri­vi­lège qui est le nôtre d'avoir la pos­si­bi­li­té d'un #MeToo. Et l'on com­prend que, si le che­min est encore long même en France pour faire adve­nir une socié­té où auraient été éra­di­quées les vio­lences sexistes et sexuelles, alors il s'avère par­ti­cu­liè­re­ment périlleux dans d'autres endroits du monde. 

Plus encore, élar­gir la focale revient à prê­ter atten­tion aux cri­tiques inter­sec­tion­nelles faites à #MeToo. Pour cer­taines mili­tantes, la révo­lu­tion #MeToo, por­tée par des affaires concer­nant des hommes célèbres, est cir­cons­crite au milieu bour­geois de l'Occident. A ce titre, l'histoire du mou­ve­ment est révé­la­trice : le hash­tag explose dans la fou­lée d'un tweet de l'actrice amé­ri­caine Alyssa Milano, le 15 octobre 2017, après une enquête du New York Times qui donne la parole à d'autres stars amé­ri­caines et blanches sur des faits de pré­da­tion du pro­duc­teur Harvey Weinstein. Très vite, des inter­nautes inter­pellent Alyssa Milano : sans le savoir, elle a uti­li­sé le même mot-​dièse que s'efforce de répandre sur ces mêmes espaces vir­tuels depuis… 2007 la tra­vailleuse sociale et mili­tante fémi­niste afro-​américaine Tarana Burke. « Si #MeToo est deve­nu viral, c’est parce que les vic­times étaient des femmes très pri­vi­lé­giées. Riches, célèbres, et sur­tout blanches. Même les célé­bri­tés noires n’ont pas été incluses dans le mou­ve­ment », résume l'intéressée dans un récent article du Monde.

Invisibilisé, le tra­vail pion­nier de Tarana Burke a depuis été réin­sé­ré dans l'histoire de notre lutte com­mune. Car cet oubli doit nous inter­pe­ler en tant que femmes sou­vent pri­vi­lé­giées par rap­port à d'autres : si le patriar­cat et les vio­lences sexistes et sexuelles sont universel·les, alors, notre atten­tion et notre sou­tien doivent l'être tout autant.

Lire aus­si l Podcast : Axelle Jah Njiké lève le voile sur le tabou des vio­lences intra­fa­mi­liales sur mineurs dans les com­mu­nau­tés noires

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