Lauren Bastide : « C'est un seul et même mou­ve­ment qui a engen­dré le sexisme, la des­truc­tion du vivant et le racisme »

Une socié­té où la jus­tice se ferait en répa­rant plu­tôt qu’en excluant, en soi­gnant le vivant plu­tôt qu’en l’exploitant, en libé­rant les corps, l’amour et les sché­mas fami­liaux… La jour­na­liste Lauren Bastide en fait la démons­tra­tion : l’écoféminisme sau­ve­ra le monde. Son nou­vel essai qui paraît le 6 octobre, Futur·es, nous montre la voie.

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Lauren Bastide © Marie Rouge pour Causette

Causette : Dans Futur·es, vous faites le « sou­hait révo­lu­tion­naire d’un monde non violent ». Cela contraste avec vos pré­cé­dentes publi­ca­tions, qui appe­laient à assu­mer la colère fémi­niste. Comment avez-​vous réus­si
à dépas­ser cette colère ?

Lauren Bastide : Je me suis réveillée un beau matin en consta­tant cet apaise- ment en moi. Je pense que j’ai déve­lop­pé une forme d’empathie glo­bale vis-​à-​vis des humains. Peut-​être le fait d’avoir 40 ans. De se rendre compte que tout le monde a sa part de trau­ma­tisme, de dou­leur. Ça vient aus­si de mes lec­tures fémi­nistes, qui ont été comme un pan­se­ment. Tout le tra­vail de Judith Butler sur la non-​violence ou celui de Sarah Schulman dans Le conflit n’est pas une agres­sion ont été de vraies révé­la­tions poli­tiques et per­son­nelles. Je me suis ren­du compte que c’était com­pli­qué de dési­gner UN enne­mi. Le seul enne­mi que je m’accorde à dési­gner, c’est le fas­cisme, l’extrême droite. Sinon, je ne vois pas ce qui me per­met­trait de dési­gner un groupe de per­sonnes dans la socié­té qui serait la cause de tous les sou­cis. La pen­sée inter­sec­tion­nelle per­met de com­prendre que ça n’a pas de sens de créer une caté­go­rie qu’on pour­rait dési­gner comme « les hommes », parce que par­mi ces hommes, cer­tains subissent de l’homophobie, du racisme, il y a des hommes pauvres, des hommes qui subissent des struc­tures d’oppression très com­pa­rables à celles qu’on peut vivre en tant que femme. Mais j’aimerais insis­ter sur le fait que ça n’est pas parce que je prône la non-​violence que je condamne la vio­lence. Je suis dans la team de toutes les Valerie Solanas [autrice du Scum Manifesto, ndlr] de la Terre ! Les meufs misandres qui ont envie d’en découdre : qu’elles y aillent allè­gre­ment ! Mais je serai der­rière elles pour pro­po­ser le cercle de la répa­ra­tion et pour qu’on fume le calu­met de la paix.

« L’horizon fémi­niste, écrivez-​vous, est un hori­zon sans genre. »
En quoi, selon vous, dépas­ser la ques­tion du genre per­met d’avancer et de se libé­rer ?

L. B. : Il existe avec le fémi­nisme un para­doxe : il faut que l’on passe par une reven­di­ca­tion de nos vécus en tant que femmes, il faut dire que les femmes sont silen­ciées, il faut que l’on parle des vio­lences faites aux femmes, que l’on désigne ces spé­ci­fi­ci­tés, mais ce, dans le but d’arriver à un moment où le fait d’être – ou d’être assi­gné – femme ou homme devienne anec­do­tique. Car assi­gner une forme de des­tin social aux per­sonnes en fonc­tion de leur appa­rence bio­lo­gique – une cer­taine façon de s’habiller, cer­taines carac­té­ris­tiques comme la dou­ceur… – est une forme d’aberration. C’est une construc­tion dont l’humanité aurait tout intérêt[…]

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