
En juin 2019, la jeune capitaine allemande du Sea-Watch 3 force l’entrée du port
de Lampedusa, en Italie, pour y débarquer une quarantaine de migrant·es secouru·es en mer. Adulée par les uns, détestée par les autres, cette scientifique et activiste publie un livre, Il est temps d’agir, dans lequel elle prône la désobéissance civile. Convaincue que voter ne suffit plus pour faire changer les choses.
Pour certain·es, comme Matteo Salvini, ancien ministre italien de l’Intérieur, d’extrême droite, elle est une « emmerdeuse ». « Ceux qui se foutent des règles doivent en répondre, je le dis aussi à cette emmerdeuse de capitaine du Sea-Watch qui fait de la politique sur la peau des immigrés ! » éructe-t-il un jour de 2019. Pour d’autres, elle est une « héroïne ». « C’est une femme formidable et exemplaire. Une héroïne, absolument », assure la docteure Carine Rolland, membre du conseil d’administration de Médecins du monde.
À quoi tient une notoriété ? Parfois à une simple prise de décision. À être insultée, se faire littéralement cracher dessus par certains ; être encensée, adorée par d’autres. Dans la nuit du 28 au 29 juin 2019, Carola Rackete, capitaine de navire allemande âgée de 31 ans, entre en force dans le port italien de Lampedusa. À bord du navire humanitaire Sea-Watch 3 qu’elle commande, quarante-deux personnes recueillies tandis qu’elles dérivaient en pleine mer Méditerranée à bord d’un canot pneumatique. Les gardes-côtes italiens et libyens lui ont intimé l’ordre de faire demi-tour et de ramener les passagers en Libye. Mais Carola Rackete, mieux que quiconque, connaît les atrocités que l’on fait subir à Tripoli aux « migrants », comme on dit : vols, tortures, viols, exécutions. Elle refuse. L’ONG allemande Sea-Watch dépose un recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, en vain. La presse du monde entier raconte le blocage du navire. La France, sollicitée pour recueillir les malheureux passagers à Marseille, refuse. Alors Carola Rackete décide de passer en force. Elle est arrêtée, huée à sa descente à quai, mais explique alors : « Peu importe comment tu arrives dans une situation de détresse. Si tu as besoin d’être secouru, tout le monde a le devoir de te secourir. Nous, les Européens, avons permis à nos gouvernements de construire un mur en mer. Mais il y a une société civile qui se bat contre cela et j’en fais partie. »
“L’ordre dans lequel nous vivons aujourd’hui est faux et destructeur. Il doit être détruit parce que sinon, des gens meurent”
Elle risque alors jusqu’à quinze ans de prison. Soutenue par les autorités allemandes et par son avocate, elle est assignée à résidence et finalement libérée. « Tout capitaine de bateau se doit de sauver des naufragés, c’est le Code maritime, reprend la docteure Carine Rolland. Dans les faits, celui qui ne le fait pas se met en tort, pas celui qui le fait ! C’est comme en médecine ou dans la vie de tous les jours, ne rien faire relève de la non-assistance à personne en danger. Pour autant, ce qu’a fait Carola ce jour-là est impressionnant et impose le respect. » Mattea Weihe, une des porte-parole de Sea-Watch, ajoute : « Chez Sea-Watch, nous demandons la liberté de[…]