Pour les une·s, elle permet de mieux se connaître. Pour les autres, elle fait carrément figure d’outil politique. Qu’on y croit ou pas, une chose est sûre : l’astrologie fait son grand retour. Et elle est plus queer et plus féministe que jamais.

Dans l’obscurité bondée de La Mutinerie, petit bar féministe et haut lieu de la culture lesbienne à Paris, scintillent ça et là les signes du Verseau, du Sagittaire ou des Poissons. Ce soir-là, l’astro-logie s’affiche en pendentif. Plutôt de rigueur, puisqu’on fête la première année d’@ Astrologouine, un compte Instagram qui lui est consacré. Pour l’occasion, son collectif artistique, Super saphique, a sorti le grand jeu : tirages de tarot et lectures de cartes astrales. Et à en juger par l’interminable file d’attente, le public en raffole. Un public jeune, féminin et féministe, à l’image de Lucile, 23 ans, qui travaille pour une organisation consacrée aux femmes, dans un bâtiment où gravitent plusieurs associations, toutes féministes. « Quand on se retrouve à la pause déj, on finit toujours par parler d’astrologie. Lorsqu’il y a une nouvelle venue ou que l’une de nous a un crush, l’une des premières questions c’est : “Quel est ton signe ?” » raconte la jeune femme, née sous le signe du Cancer.
Longtemps classée au rang des lubies un peu honteuses, voire franchement ringardes, l’astrologie a la cote chez les Millennials. Sur Instagram, où le hashtag #Astro cumule plus de 3,6 millions d’occurrences, elle se réinvente à coups de “memes” (des images détournées et floquées d’un texte drôle) et de comptes dédiés : @ NotAllGeminis (547 000 abonné·es, c’est le plus populaire), la très ‑reconnue @ ChaniNicholas (qui vient de publier You Were Born For This aux éditions HarperOne, 2020, un ouvrage sur l’astrologie comme « voie radicale d’acceptation de soi »), @ AstromemeQueen, @ TrashbagAstrology, @ Astrotruc… Dopées à l’humour et aux références pop, nombre de ces pages affichent leur sensibilité queer et féministe, comme celle de l’Américaine @ TheVoluptuousWitch (littéra-lement, « la sorcière voluptueuse ») ou de la Française @ Astrologouine, qui rédige ses « astromemes » en écriture inclusive. Début 2019, l’appli de rencontres Bumble, qui se targue de « donner le pouvoir aux femmes », ajoutait quant à elle un filtre « zodiaque » permettant à ses utilisateur·trices de renseigner leur signe astral. La même année, un stand astro s’invitait au festival féministe Comme nous brûlons, entre concerts et tables rondes politiques. À l’automne 2019, Meteor, tout nouveau podcast « astrologique et sans gluten », invitait au micro plusieurs figures féministes, dont la militante Daria Marx et la podcasteuse Anouck Perry. Un phénomène qui s’observe jusque dans la déferlante de mugs, tee-shirts, sacs, jeux de tarot qui convoquent iconographie féministe, esthétique ésotérique… et désormais astrologie (lire page 43). Laquelle est au cœur d’un effet de mode, mais semble aussi répondre aux préoccupations intimes et politiques d’une jeunesse en quête de sens.
“Se sentir sorcière”
Fini l’horoscope à l’ancienne qui prétendait révéler notre destin. Sous ses airs pop et légers, l’astro telle qu’elle se pratique dans ces sphères alternatives ne vise pas tant à prédire l’avenir qu’à se connaître soi-même. « Contrairement à l’astrologie prédictive, l’astrologie analytique s’intéresse à la carte astrale, donc à la position des planètes au moment de notre naissance », décrypte Eugénie Lempaszak, alias @ Astrologouine, et Verseau de son état. Une approche qui prend en compte le signe solaire (celui que tout le monde connaît), mais aussi[…]