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#JeanMichelTrogneux : Brigitte Macron vic­time d'une fake news trans­phobe et sexiste

Mise à jour du 18/​02/​2022 : Selon une source judi­ciaire, confir­mant une infor­ma­tion de M6, Brigitte Macron a assi­gné devant le tri­bu­nal judi­ciaire de Paris deux femmes ayant pro­pa­gé sur Internet une rumeur trans­phobe et sexiste selon laquelle la pre­mière dame serait une femme trans. Les deux femmes, l'une médium, l'autre jour­na­liste indé­pen­dante, sont assi­gnées devant la 17e chambre du tri­bu­nal de Paris, pour « atteinte au droit à l'image et à la vie pri­vée ». Une pre­mière audience a été fixée au 15 juin.

Selon une fake news par­ta­gée en masse sur Twitter depuis quelques jours, Brigitte Macron serait une femme trans. L’avocat de l’épouse du Président a annon­cé à Libération qu’il y aura des poursuites.

Brigitte Macron July 2017
Brigitte Macron © Wikimédia Commons

« La pre­mière dame de France s’appelle Jean-​Michel Trogneux ! » Des tweets comme celui-​ci, Twitter en est inon­dé depuis quelques jours main­te­nant. Plus de 35 000 ont défer­lé sur la pla­te­forme, pro­pul­sant ain­si le hash­tag #JeanMichelTrogneux dans le top des ten­dances pen­dant plus de 24h. La cause ? La fake news selon laquelle Brigitte Macron serait une femme trans dont le dead­name serait Jean-​Michel Trogneux – Trogneux étant le nom de nais­sance de la Première dame fran­çaise. Une rumeur à la fois trans­phobe et sexiste, pro­pa­gée par des mil­liers de pro­fils et, sans grande sur­prise, par des sites com­plo­tistes et d’extrême droite. « La ques­tion de l’assignation de genre consti­tue depuis des années une véri­table obses­sion dans ces cercles, rap­pelle à Causette Marlène Coulomb-​Gully, cher­cheuse en com­mu­ni­ca­tion poli­tique et spé­cia­liste de la repré­sen­ta­tion des genres dans les médias. Cela touche à l’essence même des normes hété­ro­sexuelles du patriar­cat qui sont les valeurs fon­da­trices de l’extrême droite. Mais dans mes sou­ve­nirs, c'est la pre­mière fois qu'une "femme de" est atta­quée à ce point en France et d'une manière aus­si vio­lente. » 

À l’origine de la rumeur, on retrouve en effet les ter­reaux du com­plo­tisme et de l’extrême-droite : une « sup­po­sée » enquête du numé­ro 497 de la revue d’extrême droite Faits & Documents d’Emmanuel Ratier, qui relaye régu­liè­re­ment des théo­ries du com­plot. Cette der­nière est consa­crée en par­tie au « mys­tère Brigitte Macron ». Disponible depuis le 29 sep­tembre sur son site au prix de 40 euros, l’enquête de 60 pages – actuel­le­ment en réim­pres­sion – entend « dévoi­ler la pre­mière bio­gra­phie non auto­ri­sée de cet intri­guant per­son­nage. » On apprend sur le site d’extrême droite profession-gendarme.com, qui a mas­si­ve­ment relayé la fumeuse théo­rie, que Faits & Documents aurait trou­vé un « fais­ceau concor­dant d’éléments qui mène à la seule solu­tion pos­sible : et si c’était un homme ? »

Un live Youtube de quatre heures avec une médium

Dans le même temps, Natacha Rey qui se pré­sente comme une jour­na­liste indé­pen­dante (nous n'avons retrou­vé aucun de ses écrits), et qui pré­tend avoir enquê­té pen­dant trois ans sur la vie de Brigitte Macron, a don­né une inter­view à Amandine Roy, une médium com­plo­tiste sui­vie par plus de 17 000 abonné·es. Dans une émis­sion de quatre heures dif­fu­sée le 10 décembre sur YouTube – et vu plus de 460 000 fois depuis -, Natacha Rey pré­tend don­ner tout un tas d’éléments. 

L'argumentaire de la soi-​disant jour­na­liste com­mence sous les meilleurs aus­pices. Il y aurait pre­miè­re­ment « l’étrangeté de son phy­sique qui brû­lait les yeux » de Natacha Rey depuis un bon moment. Le phy­sique est d'ailleurs la pre­mière source d'alimentation de cette fake news. La rumeur dépas­sant le cadre de l'entretien entre les deux femmes, le corps et la garde-​robe de Brigitte Macron sont par la suite pas­sés au crible d'internautes sur Twitter, dans une boueuse déshu­ma­ni­sa­tion de la pre­mière dame. Ses hanches ne seraient « guère fémi­nines », tan­dis que le fait qu’elle mette « très régu­liè­re­ment des mini-​jupes tota­le­ment inap­pro­priées à son âge et dans les ren­contres offi­cielles » serait un moyen d’« accen­tuer sa fémi­ni­té comme le ferait très mal­adroi­te­ment un tra­ves­ti ». Son corps, ses vête­ments et même sa démarche en talons. « Elle ne sait pas [mar­cher] avec », tranche un internaute.

N'en jetez plus : selon Natacha Rey, Faits & Documents et pas mal d'internautes fatigué·es, Brigitte Macron serait en réa­li­té son frère de huit ans son aîné, Jean-​Michel. Lequel s’avérerait d'ailleurs « introu­vable » par ces improvisé·es détec­tives numé­riques. On trouve là les élé­ments d'une agres­sion évi­dem­ment trans­phobe (une per­sonne trans devrait au monde la véri­té au sujet de sa tran­si­den­ti­té) et sexiste (le phy­sique et l'attitude d'une femme doivent entrer dans le moule d'une fémi­ni­té très cir­cons­crite). Violent et nau­séa­bond, cet angle d'attaque sur l’identité de genre de Brigitte Macron vient ser­vir un délire de haine à l'encontre de son mari.

« Brigitte et Emmanuel Macron incarnent depuis le début l’inversion du sché­ma du couple clas­sique pour l’extrême droite. Parce qu’elle a 24 ans de plus que lui et que lui fait l’objet de nom­breuses rumeurs sur son homosexualité. »

Marlène Coulomb-​Gully, cher­cheuse en com­mu­ni­ca­tion poli­tique et spé­cia­liste de la repré­sen­ta­tion des genres dans les médias.

Attaquer le couple pré­si­den­tiel par le biais du sexisme n'est pas nou­veau. Mais sou­vent sexua­li­sées telles des cour­ti­sanes potiches, les pré­cé­dentes pre­mières dames subis­saient une autre forme de sexisme que celle qui s'abat désor­mais sur Brigitte Macron. « Carla Bruni et Julie Gayet ren­traient abso­lu­ment dans le moule de l’hétéronormalité dans le sens où l’homme se doit d'être viril et plus âgé et sa femme fémi­nine. L’une était chan­teuse, l’autre actrice, et sur­tout les deux étaient plus jeunes que leur époux, sou­ligne Marlène Coulomb-​Gully. Brigitte et Emmanuel Macron incarnent depuis le début l’inversion du sché­ma du couple clas­sique pour l’extrême droite. Parce qu’elle a 24 ans de plus que lui, qu'elle a der­rière elle une car­rière intel­lec­tuelle et que lui fait l’objet de nom­breuses rumeurs sur son homo­sexua­li­té. » Leur couple serait donc per­çu par les com­plo­tistes en mal de qu'en-dira-t-on comme une « cou­ver­ture » pour cacher l'orientation sexuelle du pré­sident de la République. « C’est sans doute ce qui explique qu’une telle rumeur puisse prendre corps et se pro­pa­ger à cette vitesse », affirme Marlène Coulomb-Gully. 

Michelle Obama aussi

La tech­nique de désta­bi­li­sa­tion par le genre que subit actuel­le­ment le couple pré­si­den­tiel n'est pas inédite ailleurs dans le monde : l'ex-première dame amé­ri­caine Michelle Obama avait endu­ré le même outrage à son inti­mi­té durant le man­dat de son pré­sident de mari.

Natacha Rey a décla­ré à la fin du live avec la médium Amandine Roy, que les docu­ments de son « enquête » se trouvent actuel­le­ment « dans une enve­loppe scel­lée chez un avo­cat connu ». Faisant un pont acro­ba­tique entre l’identité de genre et… la cam­pagne vac­ci­nale, elle a pré­ve­nu le gou­ver­ne­ment : « Passez l’obligation vac­ci­nale et ces docu­ments sor­ti­ront publi­que­ment. Ce sera le plus gros scan­dale de la Vème République, ce sera une bombe nucléaire ». Rien que ça. En atten­dant, l’avocat de l’épouse du Président a annon­cé à Libération qu’il y aura des pour­suites judiciaires.

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