Capture d’écran 2022 12 15 à 11.28.46
Adrien Quatennens au micro de BFM-TV, le 14/12/22. ©Capture d'écran BFM-TV.

« Je ne suis pas un homme violent » : à par­tir de quand un homme est-​il violent, Adrien Quatennens ?

ÉDITO. Dans un exer­cice de vic­ti­mi­sa­tion indigne, le dépu­té du Nord Adrien Quatennens a accor­dé deux inter­views à La Voix du Nord et à BFM TV en début de semaine, après avoir été condam­né à quatre mois de pri­son avec sur­sis pour « vio­lences » sur son épouse, Céline Quatennens. Plutôt que de faire pro­fil bas, l'élu La France insou­mise (LFI) use dans ces prises de parole de tous les stra­ta­gèmes pour contes­ter son sort et défendre son retour à l'Assemblée natio­nale dès jan­vier, alors même que son par­ti poli­tique a déci­dé, dans le sillage de la condam­na­tion, de l'exclure quatre mois également.

Tout d'abord, Quatennens nous a fait le coup – un clas­sique des per­son­na­li­tés publiques accu­sées de vio­lences de genre – de la vic­time d'une cabale média­tique (« Je découvre que quand on recon­nait une faute, l'acharnement redouble, il y a eu en effet ce que moi j'appelle un lyn­chage média­tique »), dou­blée d'une insi­nua­tion de com­plot poli­tique (« C’est évi­dem­ment poli­tique […] L’occasion était trop belle pour abattre le prin­ci­pal porte-​parole et coor­di­na­teur de La France insou­mise […] Plusieurs sources concor­dantes me disent que cela a été direc­te­ment orches­tré depuis le minis­tère de l’Intérieur. Je ne suis pas en mesure de l’affirmer moi-​même aujourd’hui ».) Conséquence, le dépu­té peut se per­mettre de faire de son affaire une cause plus grande que lui : « Si je démis­sion­nais demain [comme le réclament plu­sieurs député·es Nupes], ce serait un pré­cé­dent dan­ge­reux, qui ouvri­rait la voie à toute ins­tru­men­ta­li­sa­tion de la vie pri­vée en politique. »

Lire aus­si l Adrien Quatennens compte reve­nir à l’Assemblée « dès le mois de jan­vier », mal­gré sa condam­na­tion et sa sus­pen­sion de LFI

Mais le dépu­té manie éga­le­ment les res­sors de l'intime, en expo­sant sa souf­france, comme pour faire oublier les actes qu'il a recon­nus (une gifle et un har­cè­le­ment par tex­to) : « Ce que je vis depuis main­te­nant quatre mois, c'est d'abord et avant tout une épreuve per­son­nelle. » Une argu­men­ta­tion qui prend l'auditeur·rice par les sen­ti­ments pour amor­cer une rela­ti­vi­sa­tion de la vio­lence conju­gale : « Je n'ai tué per­sonne, je n'ai vio­lé per­sonne, je n'ai pas de sang sur les mains. » Ce qui per­met à l'élu de dire ensuite : « Je ne suis pas un homme violent. » Mais à quel moment devient-​on un homme violent ? Si ce n'est pas à la pre­mière gifle ou à la pre­mière insulte, est-​ce donc à la troi­sième ? À la quin­zième ? Et qui le décide ? Certainement pas l'auteur des vio­lences lui-même.

Enfin, et c'est sans doute le plus grave, Adrien Quatennens a construit sa défense média­tique en se répan­dant sur la vie pri­vée de sa vic­time pour sous-​entendre qu'il s'agit d'une femme fra­gile (et donc instable) : « J’ai ren­con­tré celle qui sera mon ex-​femme en 2008, j’étais étu­diant. J’ai ren­con­tré quelqu’un au pas­sé dou­lou­reux, il a fal­lu être une épaule, je l’ai aidée pen­dant des années pour l’accompagner, puis nous avons trou­vé une forme de quié­tude et nous nous sommes mariés en 2014. » De quoi la dépeindre ensuite comme une per­sonne mani­pu­la­trice : « J'avais été mena­cé par mon épouse qui m'avait dit "si le divorce ne se fait pas à l'amiable et à toutes mes condi­tions, je peux faire explo­ser ta car­rière poli­tique" et visi­ble­ment les menaces ont été mises à exécution. »

Cette défense uti­li­sant des cli­chés sexistes pour ren­ver­ser la culpa­bi­li­té de la vic­time est d'autant plus ter­rible que, comme sou­vent dans ces affaires, elle s'opère dans un cadre par­fai­te­ment dés­équi­li­bré. D'un côté, un homme de pou­voir, dépu­té, qui peut encore comp­ter sur ce qui lui reste de capi­tal sym­pa­thie aux yeux de l'opinion. De l'autre, une femme ano­nyme, qui ne sou­haite pas se sou­mettre à l'épreuve d'une parole publique dans la presse et s'est conten­tée pour l'heure d'envoyer un com­mu­ni­qué à l'AFP, avant la condam­na­tion de l'homme avec lequel elle est en ins­tance de divorce. Vraiment, on aurait aimé qu'un·e proche de Quatennens ou son avocat·e l'empêche de com­mettre cette nou­velle agres­sion envers sa victime.

Lire aus­si l Condamnation d’Adrien Quatennens : Gérald Darmanin porte plainte pour dif­fa­ma­tion « après les pro­pos calom­nieux » du dépu­té du Nord

Vous êtes arrivé.e à la fin de la page, c’est que Causette vous passionne !

Aidez nous à accom­pa­gner les com­bats qui vous animent, en fai­sant un don pour que nous conti­nuions une presse libre et indépendante.

Faites un don
Partager

Cet article vous a plu ? Et si vous vous abonniez ?

Chaque jour, nous explorons l’actualité pour vous apporter des expertises et des clés d’analyse. Notre mission est de vous proposer une information de qualité, engagée sur les sujets qui vous tiennent à cœur (féminismes, droits des femmes, justice sociale, écologie...), dans des formats multiples : reportages inédits, enquêtes exclusives, témoignages percutants, débats d’idées… 
Pour profiter de l’intégralité de nos contenus et faire vivre la presse engagée, abonnez-vous dès maintenant !  

 

Une autre manière de nous soutenir…. le don !

Afin de continuer à vous offrir un journalisme indépendant et de qualité, votre soutien financier nous permet de continuer à enquêter, à démêler et à interroger.
C’est aussi une grande aide pour le développement de notre transition digitale.
Chaque contribution, qu'elle soit grande ou petite, est précieuse. Vous pouvez soutenir Causette.fr en donnant à partir de 1 € .

Articles liés