Jeanne du Barry, le nouveau long-métrage de Maïwenn, fera l'ouverture du prochain Festival de Cannes, avec Johnny Depp dans le rôle principal. Y'a pas à dire, en France, on sait accueillir les grand·es brûlé·es du « wokisme » !
L'expression anglo-saxonne cancel culture est aujourd'hui sur les lèvres de tou·tes les conservateur·trices. Pourtant, celles et ceux qui ont subi les foudres des « wokistes » – comme certain·es s'échinent à qualifier les militant·es féministes, racisé·es et LGBTQIA+ – n'ont pas disparu. Après quelques mois d'absence, voire quelques années, ils et elles refont toujours surface là où on ne les attendait pas. Roman Polanski, gagnant du César de la meilleure réalisation en 2019, en était le plus parfait exemple… Jusqu'à l'annonce, mercredi soir, que le nouveau film de Maïwenn, Jeanne du Barry, ferait l'ouverture du prochain Festival de Cannes, avec Johnny Depp en tête d'affiche, dans le rôle de Louis XV.
Bien avant la tenue du procès avec son ex-épouse Amber Heard, qui l'accusait de violences conjugales, Closer avait révélé dès janvier 2022, que le comédien ferait son retour au cinéma dans le long-métrage de la réalisatrice française. Le magazine soulignait d'ailleurs que c'était la deuxième fois que l'Américain tournait avec un·e réalisateur·trice français·e, après La Neuvième Porte de… Roman Polanski. On y revient.
Malgré les révélations de violences subies par Heard, Depp avait gagné en juin dernier cette bataille judiciaire, après avoir reçu le soutien démesuré de ses fans et bénéficié d'un traitement plutôt partial des médias (dont la militante féministe Rose Lamy s'était fait l'écho à plusieurs reprises) : son ex-femme avait été condamnée à lui verser 10 millions de dollars pour diffamation. L'acteur devait, de son côté, lui donner 2 millions de dollars, pour le même motif.
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« Un seigneur »
Son procès gagné, Johnny Depp a pu tourner en paix Jeanne du Barry cet été en France. Certains médias français ont d'ailleurs eu full access au plateau de tournage. Comme Le Journal du dimanche (JDD), qui racontait, à la fin de l'année dernière, comment Maïwenn avait choisi l'Américain. « Je voulais quelqu’un de complexe, à la fois beau et destructeur. Et surtout une personnalité qui donne envie de s’incliner dès son entrée dans une pièce », expliquait-elle alors, vantant les qualités de ce dernier : « Ce qui m’a le plus impressionnée, c’est son expressivité : dans les scènes sans dialogues, son visage laissait passer beaucoup d’émotions. » Aucune mention, ni du journal, de la réalisatrice, des accusations pesant sur le comédien, ou sur son pourtant médiatique procès.
Dans un article publié ce jeudi par Télérama, il est là précisé que le presque soixantenaire sortait « de son procès quand il a rejoint le plateau, il était sur les nerfs, elle [Maïwenn] aussi ». Le journaliste Laurent Rigoulet, qui a interrogé la réalisatrice en plein montage, détaille : « Après avoir écrit le rôle pour un comédien français qui s’est défilé, elle avait couché sur un papier trois noms qui la faisaient rêver. Johnny Depp a accepté, en majesté, sans se plier à la moindre lecture. » Quel homme simple ! Quel brave artiste ! Incarner sans hésiter Louis XV dans le film d'une réalisatrice multi-primée, quand on se retrouve sans projet après avoir été lâché par Warner Bros, c'est vrai que c'est faire preuve d'une royale grandeur. D'audace même !
« On ne peut pas dire qu’il n’incarne pas la royauté, s’amuse d'ailleurs Maïwenn dans les colonnes de l'hebdo culturel. Quand Johnny Depp débarque quelque part, c’est un seigneur qui fait son entrée. » « Elle le voulait, elle l’a eu, ça ne pouvait être qu’épique ! Dans la salle de montage, quelques images restent figées sur l’écran. Ce jour-là, on enregistre une voix off. La curiosité est piquante, le mystère reste entier », conclut avec excitation le journaliste.
Les minorités, les vraies cancelées
Franchement, on ne sait plus quoi penser face à cet énième exemple que la cancel culture n'existe pas vraiment (a‑t-elle existé un jour ?) pour les puissant·es. Celles et ceux qui en pâtissent vraiment, ce sont, encore et toujours, les minorités.
Comme le jeune chanteur Bilal Hassani, qui a dû annuler son concert, mercredi, dans une ancienne basilique de Metz, face à la pression des cathos intégristes et de l'extrême droite. Comme ces drag-queens toulousaines, dont les lectures pour enfants ont été annulées après la mobilisation de l'extrême droite. Ou comme Amber Heard, tiens, dont le dernier rôle au cinéma, dans Aquaman 2, aurait été réduit à peau de chagrin. « Je me suis battue pour rester sur ce film. Ils ne voulaient pas que j'y participe. On m'a donné un scénario, puis différentes versions où des séquences d'action avaient été retirées », expliquait l'actrice lors de son procès. Elle n'a, pour l'instant, qu'un seul long-métrage de prévu en 2023, In the Fire de Conor Allyn, tourné en février 2022.
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Ce que l'on peut retenir, tout de même, c'est que la France s'illustre encore une fois comme la terre promise des grand·es brûlé·es du « wokisme ». Woody Allen, paria du cinéma américain, a pu tourner sans problème son nouveau long-métrage à Paris, avec une myriade de stars francophones : Lou de Laâge, Melvil Poupaud, Niels Schneider et Valérie Lemercier. Ici, on sait accueillir, y a pas à dire ! En espérant maintenant que Cannes, où seulement deux femmes ont obtenu la Palme d'or en 76 ans, ne nous fasse pas l'audace de récompenser Johnny Depp d'un prix d'interprétation.