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Johnny Depp à l'avant-première d'un film en 2016 (©Wikimedia Commons/Jonas 528)

Cancel culture : Johnny Depp fera l'ouverture du Festival de Cannes, avec le film "Jeanne du Barry" de Maïwenn

Jeanne du Barry, le nou­veau long-​métrage de Maïwenn, fera l'ouverture du pro­chain Festival de Cannes, avec Johnny Depp dans le rôle prin­ci­pal. Y'a pas à dire, en France, on sait accueillir les grand·es brûlé·es du « wokisme » !

L'expression anglo-​saxonne can­cel culture est aujourd'hui sur les lèvres de tou·tes les conservateur·trices. Pourtant, celles et ceux qui ont subi les foudres des « wokistes » – comme certain·es s'échinent à qua­li­fier les militant·es fémi­nistes, racisé·es et LGBTQIA+ – n'ont pas dis­pa­ru. Après quelques mois d'absence, voire quelques années, ils et elles refont tou­jours sur­face là où on ne les atten­dait pas. Roman Polanski, gagnant du César de la meilleure réa­li­sa­tion en 2019, en était le plus par­fait exemple… Jusqu'à l'annonce, mer­cre­di soir, que le nou­veau film de Maïwenn, Jeanne du Barry, ferait l'ouverture du pro­chain Festival de Cannes, avec Johnny Depp en tête d'affiche, dans le rôle de Louis XV. 

Bien avant la tenue du pro­cès avec son ex-​épouse Amber Heard, qui l'accusait de vio­lences conju­gales, Closer avait révé­lé dès jan­vier 2022, que le comé­dien ferait son retour au ciné­ma dans le long-​métrage de la réa­li­sa­trice fran­çaise. Le maga­zine sou­li­gnait d'ailleurs que c'était la deuxième fois que l'Américain tour­nait avec un·e réalisateur·trice français·e, après La Neuvième Porte de… Roman Polanski. On y revient. 

Malgré les révé­la­tions de vio­lences subies par Heard, Depp avait gagné en juin der­nier cette bataille judi­ciaire, après avoir reçu le sou­tien déme­su­ré de ses fans et béné­fi­cié d'un trai­te­ment plu­tôt par­tial des médias (dont la mili­tante fémi­niste Rose Lamy s'était fait l'écho à plu­sieurs reprises) : son ex-​femme avait été condam­née à lui ver­ser 10 mil­lions de dol­lars pour dif­fa­ma­tion. L'acteur devait, de son côté, lui don­ner 2 mil­lions de dol­lars, pour le même motif.

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« Un seigneur »

Son pro­cès gagné, Johnny Depp a pu tour­ner en paix Jeanne du Barry cet été en France. Certains médias fran­çais ont d'ailleurs eu full access au pla­teau de tour­nage. Comme Le Journal du dimanche (JDD), qui racon­tait, à la fin de l'année der­nière, com­ment Maïwenn avait choi­si l'Américain. « Je vou­lais quelqu’un de com­plexe, à la fois beau et des­truc­teur. Et sur­tout une per­son­na­li­té qui donne envie de s’incliner dès son entrée dans une pièce », expliquait-​elle alors, van­tant les qua­li­tés de ce der­nier : « Ce qui m’a le plus impres­sion­née, c’est son expres­si­vi­té : dans les scènes sans dia­logues, son visage lais­sait pas­ser beau­coup d’émotions. » Aucune men­tion, ni du jour­nal, de la réa­li­sa­trice, des accu­sa­tions pesant sur le comé­dien, ou sur son pour­tant média­tique procès. 

Dans un article publié ce jeu­di par Télérama, il est là pré­ci­sé que le presque soixan­te­naire sor­tait « de son pro­cès quand il a rejoint le pla­teau, il était sur les nerfs, elle [Maïwenn] aus­si ». Le jour­na­liste Laurent Rigoulet, qui a inter­ro­gé la réa­li­sa­trice en plein mon­tage, détaille : « Après avoir écrit le rôle pour un comé­dien fran­çais qui s’est défi­lé, elle avait cou­ché sur un papier trois noms qui la fai­saient rêver. Johnny Depp a accep­té, en majes­té, sans se plier à la moindre lec­ture. » Quel homme simple ! Quel brave artiste ! Incarner sans hési­ter Louis XV dans le film d'une réa­li­sa­trice multi-​primée, quand on se retrouve sans pro­jet après avoir été lâché par Warner Bros, c'est vrai que c'est faire preuve d'une royale gran­deur. D'audace même !

« On ne peut pas dire qu’il n’incarne pas la royau­té, s’amuse d'ailleurs Maïwenn dans les colonnes de l'hebdo cultu­rel. Quand Johnny Depp débarque quelque part, c’est un sei­gneur qui fait son entrée. » « Elle le vou­lait, elle l’a eu, ça ne pou­vait être qu’épique ! Dans la salle de mon­tage, quelques images res­tent figées sur l’écran. Ce jour-​là, on enre­gistre une voix off. La curio­si­té est piquante, le mys­tère reste entier », conclut avec exci­ta­tion le journaliste.

Les mino­ri­tés, les vraies cancelées

Franchement, on ne sait plus quoi pen­ser face à cet énième exemple que la can­cel culture n'existe pas vrai­ment (a‑t-​elle exis­té un jour ?) pour les puissant·es. Celles et ceux qui en pâtissent vrai­ment, ce sont, encore et tou­jours, les minorités. 

Comme le jeune chan­teur Bilal Hassani, qui a dû annu­ler son concert, mer­cre­di, dans une ancienne basi­lique de Metz, face à la pres­sion des cathos inté­gristes et de l'extrême droite. Comme ces drag-​queens tou­lou­saines, dont les lec­tures pour enfants ont été annu­lées après la mobi­li­sa­tion de l'extrême droite. Ou comme Amber Heard, tiens, dont le der­nier rôle au ciné­ma, dans Aquaman 2, aurait été réduit à peau de cha­grin. « Je me suis bat­tue pour res­ter sur ce film. Ils ne vou­laient pas que j'y par­ti­cipe. On m'a don­né un scé­na­rio, puis dif­fé­rentes ver­sions où des séquences d'action avaient été reti­rées », expli­quait l'actrice lors de son pro­cès. Elle n'a, pour l'instant, qu'un seul long-​métrage de pré­vu en 2023, In the Fire de Conor Allyn, tour­né en février 2022.

À lire aus­si I Un docu­men­taire sur France 5 décrypte com­ment les mas­cu­li­nistes ont dis­cré­di­té la parole d'Amber Heard face à Johnny Depp

Ce que l'on peut rete­nir, tout de même, c'est que la France s'illustre encore une fois comme la terre pro­mise des grand·es brûlé·es du « wokisme ». Woody Allen, paria du ciné­ma amé­ri­cain, a pu tour­ner sans pro­blème son nou­veau long-​métrage à Paris, avec une myriade de stars fran­co­phones : Lou de Laâge, Melvil Poupaud, Niels Schneider et Valérie Lemercier. Ici, on sait accueillir, y a pas à dire ! En espé­rant main­te­nant que Cannes, où seule­ment deux femmes ont obte­nu la Palme d'or en 76 ans, ne nous fasse pas l'audace de récom­pen­ser Johnny Depp d'un prix d'interprétation.

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