Il est des rencontres qui nous bouleversent, qui semblent faire tourner, enfin, notre monde dans le bon sens. Des rencontres qu’on se remémore avec émoi, et parfois une pointe d’affolement. Non, on ne parle pas de votre premier rendez-vous avec cet(te) amant(e) particulièrement doué(e) de ses doigts, mais de votre premier rendez-vous avec vous-même.
Louise, 18 ans
J’ai un souvenir très net de cette rencontre. J’ai eu ma première relation sexuelle avec une fille, j’avais 15 ans. On ne savait pas trop ce qu’on faisait. Aucune de nous n’a eu d’orgasme, mais ce n’était pas grave : c’était presque comme si on avait découvert tant de nouvelles choses et de sensations folles en si peu de temps qu’il fallait qu’on s’en garde un peu pour plus tard. Et plus tard, en l’occurrence, ça a été dès qu’elle est partie de chez moi. J’étais toute retournée par ce que je venais de vivre, j’avais l’impression d’avoir ouvert une porte vers un autre monde qui ne demandait qu’à être exploré. Donc, à peine toute seule, le cerveau encore embrumé et les émotions sens dessus dessous, j’ai continué ce qu’on avait commencé. Et c’est là que j’ai découvert tout ce que pouvait me procurer ce petit bouton. Ce jour-là, j’ai eu mon premier orgasme, toute seule, à plat ventre sur le sol de ma chambre, dans une espèce de transe qui me paraît toujours surréaliste.
Valérie, 48 ans
Mes souvenirs de cette rencontre sont très précis, bien que la prise de conscience fût beaucoup plus tardive. J’ai 4 ans, je pense… Je suis sur le lit de ma maman qui, pour soigner ma peau irritée, me met de la pommade sur le minou. J’ai souvenir d’une deuxième rencontre, à 5 ans. Je suis dans ma chambre de petite fille avec mes poupées comme témoins. Je me rappelle toujours prendre une certaine position pour le titiller : la tête par terre, au pied du lit, et mon corps sur le matelas. J’étais alors persuadée, et cela pendant plusieurs années, que c’était seulement ainsi que je pouvais sentir cette sensation si délicieuse. Quoique jamais surprise sur le fait, je ne sais pas pourquoi mais j’étais consciente que cela était très intime et que personne ne devait me surprendre, voir ou savoir.
Françoise, 50 ans
J’avais 13 ans. Je jouais au cochon pendu avec une barre fixe, à l’aire de jeux en bas de mon immeuble. Je me suis retrouvée avec la barre entre les jambes. Elle était plaquée contre mon entrejambe et je suis restée un moment dessus, car elle me procurait une excitation que je ne connaissais pas ! C’était comme des petites décharges électriques qui s’enchaînaient. Donc, comme je suis curieuse, le soir même, j’ai eu envie d’aller toucher mon clitoris. La main dans la culotte, j’ai eu une excitation encore plus forte. Au début, j’avais honte, je pensais que c’était sale et pas normal pour une petite fille. Si ma mère m’avait surprise en train de me masturber, elle m’aurait dit que j’étais une perverse. C’était tabou, et elle aurait très mal réagi. Mais une fois la découverte faite, l’envie d’y retourner était plus forte que tout. Je ne pouvais plus m’en passer.
Yvonne, 73 ans
Ce fut une rencontre bien tardive. Oh que je regrette de ne pas l’avoir rencontré plus tôt ! J’étais mariée depuis vingt ans déjà, je devais avoir 40 ans. Je n’avais connu qu’un homme. Pour moi, la sexualité était quelque chose qu’il fallait faire, quelque chose dont je n’essayais même pas de tirer satisfaction. Ça se faisait entre époux, voilà tout. Alors, bien sûr, notre vie sexuelle était très ennuyeuse. C’était comme faire la vaisselle. Un jour que j’étais au salon de coiffure, j’ai tendu l’oreille vers le siège d’à côté, où une femme qui devait avoir mon âge plaisantait avec celle qui lui posait des bigoudis, lui parlait de son nouvel amant qui connaissait bien le « berlingot ». J’avais honte de ne même pas savoir de quoi elle parlait. Je me souviens encore d'être rentrée chez moi bien décidée à voir si j’en avais un, moi aussi. J’ai attrapé mon miroir de poche et, pour la première fois, j’ai exploré ce qui était là depuis toujours. Le berlingot était là et, à l’effleurer, j’ai compris de quoi parlait ma voisine du salon de coiffure. Oui, le moins qu’on puisse dire, c’est que ça a été une rencontre déterminante. Je n’en ai jamais parlé à mon mari, qui, à ce jour, ne semble toujours pas avoir la moindre idée de la manière dont fonctionne le corps d’une femme. Mais depuis, je l’ai de mon côté, ce berlingot.
Dominique, 22 ans
Une de mes premières rencontres avec mon clitoris a eu lieu avec une amie plus âgée que moi, vers l’âge de 7 ans. Elle nous montrait, à ma sœur et moi, des choses qu’elle avait probablement vu faire à la télé. Ce soir-là, nous découvrions donc de nouvelles sensations tout en étant persuadées qu’il fallait le faire en cachette et ne surtout pas se faire surprendre par nos parents. À cette époque, j’ai commencé à explorer de plus en plus mon corps quand je me retrouvais seule dans ma chambre. Même si j’avais l’impression que ma sœur faisait les mêmes choses que moi, je ne l’ai jamais raconté à personne ; je pensais être la seule fille à faire ces choses un peu « sales ». En grandissant et en parlant avec des amies, je me suis rendu compte que la masturbation a aussi fait partie de l’enfance de plusieurs d’entre elles, de même que la peur de « se faire choper ».
Claire, 23 ans
J’ai eu mes premières expériences sexuelles vers 15 ans, avec mon mec de l’époque pour qui c’était aussi la première fois. Je n’y connaissais rien, je pensais que le plaisir venait du frottement contre les parois du vagin. Je savais ce qu’était un clito, évidemment, mais bizarrement je croyais que les femmes qui le stimulaient étaient celles qui avaient déjà eu pas mal d’expérience et souhaitaient changer de sensations. Bref, pendant ce temps-là, c’était grave l’emmerde avec mon mec. Et puis j’ai eu une histoire avec un mec plus âgé, et c’est lui qui, paradoxalement, m’a montré ce que je pouvais ressentir grâce à mon clito. C’était pendant un cunni. J’ai été hyper surprise. Je ne sais plus ce qui s’est passé exactement, et les sensations dont je me souviens seraient difficiles à décrire. Mais c’était une révélation.
Leïla, 21 ans
C’est arrivé autour de mes 8 ans. À force de regarder des films romantiques avec mes parents et les scènes de sexe (plutôt chastes) et de baisers passionnés qui vont avec – type celle de la voiture dans Titanic –, j’avais cette sensation pressante qui revenait. J’ai d’abord pensé à la gêne, l’impression paranoïaque de sentir le regard accusateur de mes deux géniteurs sur moi devant ces moments de flottement télévisuel. Mais non, la sensation était trop nouvelle et se concentrait dans ma culotte. Quelque chose entre mes cuisses me forçait à me sentir pressée. Mais pressée de quoi ? À cet âge, être pressée, ça voulait souvent dire que j’avais envie de faire pipi, donc j’ai pris le réflexe de mettre ma main à la culotte pour « contenir » tout ça. Bien sûr, ça a eu l’effet totalement inverse, mais ça ne me gênait pas, au contraire. Plusieurs fois, je me suis dit que les films d’amour me donnaient envie d’aller au petit coin, une théorie qui a bien fait rire ma mère quand je la lui ai exposée. Pendant quelque temps, les deux sensations se sont confondues dans mon esprit. Puis j’ai fini par comprendre. Non, je n’avais pas du tout envie de faire pipi, mais quelque chose en bas me pressait d’agir, de m’occuper de lui. C’était comme si mon clitoris vibrait, littéralement. Cette sorte d’aura se diffusait depuis mon entrejambe et jusque dans mes pieds. Mon cœur s’accélérait aussi. Aujourd’hui encore, si je me concentre, j’arrive à retrouver cette sensation pressante, mais elle peut être aussi dérangeante que stimulante.