Taboues pour les un·es, douloureuses pour les autres, les questions raciales sont un peu à l’image de la sexualité : un sujet sur lequel on aimerait accompagner les enfants, sans toujours savoir comment s’y prendre. Entre déconstruction des stéréotypes et confrontation au racisme, questionnements et outils pratiques, des parents racontent.
Que son enfant mette un jour les pieds dans le plat des questions raciales, elle s’y attendait. Qu’elle le fasse si tôt, beaucoup moins. « Notre fille n’a pas encore 3 ans. L’autre jour, alors qu’on se promenait avec un ami qu’elle connaît bien, elle l’a pointé du doigt et nous a demandé cash : “Pourquoi il a une peau bizarre ?” Notre pote est noir, nous sommes blancs, et franchement on s’est sentis gênés. Pas parce qu’elle nous interrogeait sur une différence visible, mais parce qu’on a eu le sentiment qu’elle jugeait cette différence négativement », confie piteusement Julie, 34 ans. Chargée de communication dans une collectivité territoriale, la jeune femme a été d’autant plus troublée qu’elle est familière des problématiques antiracistes, sur lesquelles elle tente d’être « une bonne alliée ». « Je lis beaucoup, j’écoute, j’essaie de déconstruire mes propres stéréotypes et d’élever notre fille en tenant compte de ces questions. Mais visiblement, ça ne suffit pas. Où est-ce qu’on a merdé ? » s’interroge-t-elle avec perplexité, au moment même où les questions raciales ont refait irruption avec fracas dans l’actualité française.
Sortir du « color blind »
Aussi dérangeante soit-elle, la situation dans laquelle s’est retrouvée Julie n’a pourtant rien d’exceptionnel. Si l’on en croit l’étude publiée en janvier 2019 par cinq chercheur·euses· canadien·nes, des enfants âgé·es de seulement 4 ans manifestent déjà des préjugés racistes et sexistes. Des représentations qui, concrètement, les poussent à considérer plus négativement les garçons noirs. « Ce résultat, qui reflète des [biais] présents dans leurs mondes sociaux, a été présenté à la fois par des enfants blancs et non-blancs, et n’était pas corrélé à leur exposition à la diversité », ont observé les chercheur·euses, qui insistent dans leur étude sur « l’importance de lutter contre les préjugés avant même que les enfants n’atteignent la maternelle ». Mais pour ça, rappelait récemment l’une des chercheuses, qui a mené l’étude, encore faut-il en finir avec le color blind (ou color blindness) – soit cette posture qui fait dire à certains adultes qu’ils ne « voient pas les couleurs ».
Car les enfants, eux, perçoivent le monde tel qu’il est : en technicolor. « Dès[…]