À l’occasion des trois ans du mouvement #MeTooInceste, l’association Face à l’inceste dévoile les résultats d’un sondage Ipsos mettant en lumière l’ampleur de la problématique de l’inceste en France.
Le 16 janvier 2021, le mouvement #MeTooInceste voyait le jour et bouleversait la sphère médiatique et politique, dans le sillage des révélations de Camille Kouchner dans son livre La Familia Grande. Trois ans plus tard, l’association Face à l’inceste publie ce 16 janvier les résultats d’un sondage commandé à Ipsos sur le sujet, confirmant qu’il s’agit d’un phénomène d’ampleur.
Un·e Français·e sur dix
Selon les résultats de ce sondage mené à l’automne 2023 sur un échantillon de 1 000 personnes représentatives de la population française, 11 % de Français·es disent avoir un jour été victime de situations incestueuses. 65 % de ces victimes sont des femmes et 35 % sont des hommes. En 2020, lors d’un sondage similaire, 10 % de la population déclarait avoir été victimes d’inceste, dont 78 % de femmes et 22 % d’hommes. “La part des Français·es victimes a donc augmenté et la répartition entre hommes et femmes victimes a évolué, laissant penser que les hommes révèlent désormais plus l’inceste”, affirme l’association de défense des victimes dans son communiqué.
Dans plus des trois quarts des situations incestueuses proposées par le sondage (agressions sexuelles/viol, harcèlement sexuel, exhibitionnisme, être l'objet de confidences répétées à caractère sexuel, être l'objet d'images pornographiques), la personne à l’origine de ces violences est un homme de la famille, principalement un père ou un oncle. Ce sondage révèle également que la connaissance de ces comportements incestueux reste très majoritairement et presque toujours cantonnée au cercle familial. L'inceste reste ainsi un secret bien gardé, lorsqu'on sait que, dans 61% des cas, plusieurs proches sont informés de la situation. Par ailleurs, moins d’une personne sur trois déclare que des autorités judiciaires, éducatives ou médicales en ont été informées. Des chiffres qui tendent à expliquer pourquoi un dépôt de plainte n'a lieu que dans trois cas sur dix.
Plus symptomatique encore du déni qui entoure l'inceste, ce sondage révèle que dans près de trois cas sur cinq, la parole de la victime a été minimisée. Les témoignages ont été mis en doute ou on a conseillé aux mineur·es de garder le silence. Une culture de l'omerta qui freine l'accompagnement des victimes : moins d’une personne sur deux déclare que la victime a été éloignée (49%), protégée (45%) ou aidée afin de porter plainte (37%) une fois ces situations révélées.
Dire et faire
Ce sondage souligne également une dissonance entre les croyances qu’entretiennent les Français·es quant à leur capacité à réagir face à des accusations d’inceste et leurs réflexes dans les faits. Près de trois répondant·es sur cinq déclarent qu’ils ou elles sauraient comment réagir si un·e mineur·e leur confiait être victime d’inceste. Cependant, alors que la première réaction des Français·es serait le plus souvent de prévenir les services de police et de protection de l’enfance (43 %), près d’un·e Français·e sur trois en parlerait encore d’abord à la famille de la victime (31 %).
"Si les Français estiment savoir quoi faire s’ils découvrent une situation incestueuse, le réflexe d’alerter immédiatement les services de police et de protection de l’enfance n’est pas encore majoritaire", explicite l'étude, alors même que 94% des Français·es estiment que les enfants ne font que rarement ou jamais de fausses accusations. Pire encore, 26% des Français·es choisiraient de temporiser ou de ne rien faire s'ils ou elles étaient confronté·es à la révélation d'une situation incestueuse.
Plan national de prévention
D’après ce sondage, les Français·es seraient par ailleurs massivement favorables à des mesures visant à aider et à obliger les professionnel·les de santé à dénoncer toutes les situations d’inceste dont ils et elles seraient témoins. Pour sept Français·es sur dix, il faudrait prononcer des mesures d’éloignement de l’enfant dès la dénonciation des faits. Ces tendances résonnent avec les préconisations rendues en novembre dernier par la Ciivise, qui qualifiait l’inceste de “problème d’ordre public et de santé publique massif” dans son rapport.
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Également recommandé par la Commission Inceste, l’élargissement de l’infraction d’inceste commis sur un·e mineur·e aux cousins et aux cousines – qui aujourd’hui ne peuvent pas être poursuivi·es – récolte dans ce sondage 95 % d’avis favorables. D’après Ipsos, les violences incestueuses seraient commises par un cousin dans un cas sur cinq.
L’évincement du juge Édouard Durand à la tête de la Ciivise a provoqué, à la fin de l’année 2023, de nombreuses réactions. Alors que le nouveau gouvernement Attal vient d’être constitué, l’association Face à l’inceste insiste sur la nécessité d’élaborer “un plan national de prévention” pour lutter contre un phénomène dont l’ampleur est révélée d’année en année. “Pour cela, une volonté politique est nécessaire, une prise de conscience collective indispensable”, déclare encore l’organisme. Ce dernier a par ailleurs d’ores et déjà mis en place une pétition pour inciter le gouvernement à protéger “immédiatement les enfants victimes d’inceste”.