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Les vac­cins contre le Covid-​19 perturberaient-​ils le cycle menstruel ?

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© Mat Napo

Face au nombre crois­sant de femmes qui constatent une per­tur­ba­tion plus ou moins impor­tante de leur cycle suite à l’injection de l'un des dif­fé­rents vac­cins contre le Covid-​19, deux scien­ti­fiques amé­ri­caines ont récem­ment débu­té une enquête. L’objectif : col­lec­ter un nombre de don­nées suf­fi­sant pour confir­mer ou infir­mer le lien entre les vac­cins et l’irrégularité mens­truelle et ras­su­rer les femmes tou­chées par ce phénomène.

« J’ai eu ma pre­mière dose de vac­cin le 1er avril alors que j’étais déjà réglée depuis le 29 mars. Normalement mes règles auraient dû se ter­mi­ner au plus tard le 2 avril mais le 5, je sai­gnais tou­jours, ce qui est vrai­ment très inha­bi­tuel pour moi », explique Rachel, 30 ans, une Américaine vac­ci­née au Moderna. Jeni, 40 ans, vac­ci­née au Johnson & Johnson aux Etats-​Unis, a, elle, eu ses mens­trua­tions en avance : « Généralement, j’ai de légères crampes au moment où je com­mence à sai­gner, là […] les crampes étaient vio­lentes », se souvient-​elle. Sur les réseaux sociaux, de nom­breuses Américaines et Israéliennes font éga­le­ment men­tion de dou­leurs pel­viennes impor­tantes, d’irrégularités ou encore de flux plus impor­tant que la normale. 

Une enquête lan­cée par deux chercheuses

Quelques jours après avoir reçu sa pre­mière dose, Katharine Lee, post­doc­to­rante à l’École de méde­cine de l'université de Washington, remarque elle aus­si une per­tur­ba­tion de son cycle. Elle en parle alors à Kathryn Clancy, pro­fes­seure agré­gée d’anthropologie, spé­cia­liste de la jus­tice repro­duc­tive à l'Université de l’Illinois. Cette der­nière par­tage sa propre expé­rience sur Twitter et reçoit un flot de réponses de la part d’internautes dans le même cas. Jeni raconte à Causette com­ment elle a appris que des scien­ti­fiques s’intéressaient au sujet : « Comme, après ces crampes dou­lou­reuses, mes règles sont venues plus tôt que pré­vu, par curio­si­té, j’ai com­men­cé à deman­der aux femmes de mon entou­rage qui avaient été vac­ci­nées si elles ren­con­traient des pro­blèmes simi­laires. Après quelques semaines, une de mes amies a par­ta­gé un lien vers un article qui men­tion­nait le Tweet du Dr Clancy et j'ai été sou­la­gée de voir enfin un groupe de femmes dis­cu­ter des effets du vac­cin sur les mens­trua­tions. Je pou­vais ain­si voir si leurs his­toires res­sem­blaient à la mienne et c’était effec­ti­ve­ment le cas. » 

Face au nombre impor­tant de per­sonnes concer­nées, Kathryn Clancy et Katharine Lee, décident alors de lan­cer une enquête auprès des per­sonnes mens­truées* ou ancien­ne­ment mens­truées, afin de recueillir les don­nées et per­mettre ain­si d’éventuelles recherches com­plé­men­taires : « En deux heures, nous avons atteint 500 par­ti­ci­pants », affirme Kathryn Clancy dans un article de Tara Haelle publié sur son propre site. Selon la jour­na­liste scien­ti­fique, à la mi-​avril, 13 000 per­sonnes avaient répon­du à l’enquête des deux scien­ti­fiques. Katharine Lee pré­cise cepen­dant à Causette que les don­nées récol­tées n’ont pas encore été ana­ly­sées. L’hypothèse d’une rela­tion entre per­tur­ba­tion du cycle mens­truel et vac­cin n’est donc pas encore avé­rée. « Ce qui me dérange le plus, c’est les réac­tions des méde­cins à nos expé­riences : « aucun lien », « aucun méca­nisme » ou encore ce n’est « que du stress », disent-​ils. Les méde­cins ne veulent pas inquié­ter les gens ni ajou­ter à l'hésitation vac­ci­nale, cepen­dant, à long terme, cela aura l'effet inverse. Dire aux patients que leurs expé­riences ne sont pas réelles est pater­na­liste », regrette Kathryn Clancy sur Twitter. En effet, pour les cher­cheuses amé­ri­caines, que cela soit ou non un effet secon­daire du vac­cin, l’important est d’informer les per­sonnes mens­truées de l’éventualité d’une per­tur­ba­tion de leur cycle afin qu’elles ne s’en affolent pas. 

Plusieurs hypo­thèses scien­ti­fiques possibles 

Pour la gyné­co­logue amé­ri­caine Jennifer Gunter, plu­sieurs hypo­thèses pour­raient néan­moins expli­quer ces per­tur­ba­tions mens­truelles : « Les trois façons dont le vac­cin Covid-​19 pour­rait avoir un impact sur les mens­trua­tions sont soit un impact sur la mes­sa­ge­rie chi­mique du cer­veau aux ovaires ; soit un impact sur la mes­sa­ge­rie chi­mique des ovaires à l’utérus ou encore un impact qui affecte direc­te­ment la muqueuse de l’utérus. Ces effets peuvent pro­ve­nir du vac­cin lui-​même, de la réponse du sys­tème immu­ni­taire au vac­cin ou peuvent être poten­tiel­le­ment liés à la fièvre ou à un malaise dû au vac­cin ou encore au stress lié à la vac­ci­na­tion », détaille-​t-​elle sur son site, The Vajenda ‑Substack. Il n’est tou­te­fois pas ques­tion de faire peur aux femmes. Jennifer Gunter affirme ain­si que même si la per­tur­ba­tion des cycles est avé­rée, le vac­cin n’a aucune inci­dence sur la pro­créa­tion et la per­tur­ba­tion des cycles n’est que ponc­tuelle : « Il n'y a pas de don­nées qui sou­tiennent la thèse d’un impact du vac­cin Covid-​19 sur la fer­ti­li­té ou les fausses couches […] Étant don­né les effets néfastes poten­tiels, à court et à long terme, du Covid-​19, la meilleure façon de pro­té­ger votre san­té glo­bale et votre cycle mens­truel est de vous faire vac­ci­ner », précise-​t-​elle sur son site.

Gender data gap, le sexisme en science 

Selon Katharine Lee, lors des essais cli­niques, per­sonne n’a pen­sé à deman­der aux femmes, si le vac­cin per­tur­bait leur cycle. Or, il est pos­sible, selon certain.es scien­ti­fiques que si on ne leur pose pas direc­te­ment la ques­tion, les patient.es ne fassent pas le lien avec la per­tur­ba­tion de leur cycle et donc n’en fassent pas part. La ques­tion est donc de savoir si le simple fait de réunir les effets secon­daires rap­por­tés par les par­ti­ci­pants des essais cli­niques suffit. 

Aux Etats-​Unis la par­ti­ci­pa­tion des femmes « en âge de pro­créer » aux essais cli­niques n’est pos­sible que depuis 1993, date à laquelle la direc­tive du Food and Drug Administration (FDA) a annu­lé une poli­tique datant de 1977 et excluant ces femmes. Par ailleurs, de manière géné­rale, la recherche scien­ti­fique col­lecte davan­tage de don­nées sur les hommes que sur les femmes. Ce fos­sé, aus­si appe­lé Gender Data Gap, a des consé­quences sur la vie des femmes au quo­ti­dien. Pour Flora Vincent, post-​doctorante à l’Institut Weizmann en Israël et co-​auteure de L’intelligence arti­fi­cielle, pas sans elles,« un des gros pro­blèmes dans ces his­toires de Gender data gap c’est que par­fois, on ne pose pas les bonnes ques­tions et donc on ne col­lecte pas les bonnes don­nées. » Ainsi, « au moment d’être vac­ci­née per­sonne ne m’a deman­dé si je pre­nais la pilule, alors que ça pour­rait être poten­tiel­le­ment un fac­teur confon­dant », précise-​t-​elle. Cependant, selon elle, la situa­tion de pan­dé­mie mon­diale n’a pas per­mis le temps d’anticipation néces­saire : « C’est l’inconvénient de tra­vailler dans l’urgence, conclut la cher­cheuse. On ne peut pas pen­ser à tout. »

*L'expression « per­sonnes mens­truées » per­met d'inclure des hommes trans qui eux aus­si ont pu obser­ver des per­tur­ba­tions de leurs cycles après la vaccination.

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