Chercheuse en sociologie et auteure d’une thèse sur la « fabrique de la ménopause », Cécile Charlap nous interroge sur l’invention de cette notion, sa construction comme « pathologie », la dramaturgie de sa mise en scène dans les médias et la représentation de la femme qui en résulte. Et si on arrêtait de voir la ménopause comme une maladie ?
Causette : Quelle est la vision de la ménopause dans les pays occidentaux ?
Cécile Charlap : J’introduis mon livre par une anecdote que je trouve parlante. En 2014, la comédienne Corinne Touzet a été interviewée par un magazine après la diffusion, sur France 2, d’un téléfilm dans lequel elle interprète une femme ménopausée*. Elle explique : « Que ce soit clair, je ne suis pas ménopausée ! J’avoue que voir en titre dans la presse sur Internet “Corinne Touzet ménopausée” était un raccourci assez violent. » Cette prise de parole publique illustre la violence avec laquelle le fait d’être qualifiée de « ménopausée » peut être ressenti dans notre société. J’ai pu vérifier cela en réalisant mon enquête et en observant la difficulté d’accéder à des entretiens avec des femmes pour parler de la ménopause. Par comparaison, réaliser des entretiens avec des femmes franc-maçonnes, lors d’une précédente recherche, a été bien plus aisé. La ménopause est apparue plus secrète qu’une société secrète.
Il est vrai que le fait d’associer le terme « ménopause » aux désagréments du vieillissement féminin est devenu une évidence. Il nous est même difficile, admettons-le, d’entendre ce mot d’une autre façon…
C. C. : Quand on s’intéresse au vieillissement féminin d’un point de vue sociologique, ce qui est rare en France, on réalise que la ménopause n’est pas une notion universelle, dont la définition serait stable d’une époque ou d’un pays à l’autre. Cette notion est culturellement et historiquement construite. En France, elle est essentiellement péjorative. On ne la présente pas comme une[…]