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Témoignages : l'amour plus fort que la mort !

98 couples Plainpicture
© P. Newman/Plainpicture

« Aimer, c’est regar­der ensemble dans la même direc­tion. » La maxime est char­mante. Mais dans la vraie vie, les des­ti­nées amou­reuses sont rare­ment aus­si simples. Chaque mois, Causette donne la parole à un duo sen­ti­men­tal pour com­prendre com­ment les visions diver­gentes de cha­cun n’empêchent pas (tou­jours) le ménage de tour­ner. En apar­té, chacun·e nous raconte SA ver­sion de l’histoire. Dans ce pre­mier épi­sode, Delphine et Marion se sont ren­con­trées un mois et demi après la mort de la com­pagne de Delphine. 

Delphine

47 ans

« La pre­mière fois que j’ai par­lé à Marion, c’était dans le cadre pro­fes­sion­nel. À l’époque, j’étais en plein deuil. Christine, ma com­pagne, était décé­dée un mois et demi plus tôt d’un can­cer. Au cours de cette conver­sa­tion, le fee­ling est tout de suite pas­sé. S’en sont sui­vis des échanges de mails… Compte tenu du thème de la table ronde sur laquelle on tra­vaillait ensemble, nos dis­cus­sions avaient une conno­ta­tion intime. On évo­quait nos his­toires de cœur, le sexe… Et je la dra­guais un peu ! La mort de Christine avait réveillé chez moi une libi­do intense et levé toute inhi­bi­tion. Surprise de ce qui m’arrivait, j’en ai par­lé à mon entou­rage, qui a bien réagi. Ça m’a per­mis de l’accepter sans me ­sen­tir cou­pable. Mais Marion m’a vite signa­lé que j’allais un peu loin. Elle pré­fé­rait que nos échanges res­tent pro­fes­sion­nels, tout en me lais­sant une ouver­ture : on pou­vait conti­nuer à s’écrire. On l’a beau­coup fait les semaines qui ont sui­vi. Ses mails déclen­chaient chez moi de vives émo­tions. C’était super puis­sant. Je visua­li­sais nos deux corps enla­cés qui volaient… 
On a fini par se télé­pho­ner, plu­sieurs heures par jour… Nageait-​on en plein délire ? Était-​ce l’effet du deuil ? Elle habi­tait à Alès, dans le Gard, moi à Paris. Pour évi­ter de se faire des films trop long­temps, Marion a pro­po­sé que je lui rende visite. Lorsque je suis arri­vée à la gare, elle m’attendait avec son large sou­rire. Je l’ai prise dans mes bras, res­pi­rée, humée. J’étais comme une ado. J’avais beau être en deuil, je m’étais rare­ment sen­tie aus­si vivante. Mon cœur bat­tait à cent à l’heure. À peine avoir fran­chi le seuil de sa porte, je lui ai sau­té des­sus !
Je ne res­sen­tais aucune culpa­bi­li­té. À la suite du décès de Christine, j’ai essayé d’être au maxi­mum dans le vrai. Je l’interro­geais à tra­vers ma voix inté­rieure. Je savais qu’elle vali­dait ce que je vivais. J’avais aus­si gar­dé en tête une dis­cus­sion avec la maî­tresse de céré­mo­nie, la veille de l’enterrement. Elle m’avait révé­lé être médium et m’avait glis­sé un mes­sage : Christine sou­hai­tait que je ne reste pas seule et une femme blonde ou rousse était déjà là… Mon incons­cient l’avait enten­du. De son vivant, Christine avait vali­dé l’idée que je refe­rais ma vie. Quand Marion a débar­qué, j’étais encore amou­reuse de Christine, mais cet amour s’est lové dans mon cœur, comme une fleur qui ne se fane pas. C’est un espace très sin­gu­lier qui ne m’empêche pas d’être en total amour pour Marion. »

Marion

32 ans

« Je connais­sais Delphine de loin, car nous évo­luons dans le même uni­vers. L’année pré­cé­dente, Christine, sa com­pagne, m’avait pro­po­sé de tra­vailler avec elle sur un pro­jet, mais ça ne s’était pas fait. Entre-​temps, j’avais appris son décès. De mon côté, je sor­tais d’une rela­tion dou­lou­reuse et refu­sais de revivre une his­toire qui pour­rait me faire souf­frir. Quand Delphine a com­men­cé son rentre-​dedans, je lui ai expri­mé clai­re­ment mon malaise. Je n’avais aucune envie qu’on se saute des­sus. Je la trou­vais déli­cate, j’aimais son regard sur les choses. 
Elle s’est beau­coup confiée sur la mort de Christine, les der­niers mois qu’elles avaient pas­sés ensemble, son cha­grin… Assez vite, je lui ai posé des ques­tions claires et directes : “Comment tu te posi­tionnes par rap­port à Christine ? As-​tu le sen­ti­ment que je viens la rem­pla­cer ?” Elle m’a répon­du le plus hon­nê­te­ment pos­sible : elle n’en savait rien ! J’essayais de me pro­té­ger… 
Mais il se pas­sait quelque chose de très fort. Quand elle est venue me rendre visite à Alès, j’étais très sereine. Et est arri­vé le tur­bo Delphine ! [Rires.] Son désir n’avait pas fai­bli, le mien non plus… La connexion s’est faite aus­si­tôt. On n’avait pas fan­tas­mé notre amour. C’était la pre­mière fois que je ren­con­trais une per­sonne en deuil. Delphine avait besoin de par­ler de Christine. Elle a aus­si beau­coup pleu­ré. Si c’était trop ­dou­lou­reux pour moi, je pou­vais lui dire. Elle res­pec­tait mon res­sen­ti. 
En tom­bant amou­reuse de Delphine, je réa­lise que j’ai accueilli deux per­sonnes dans ma vie : Delphine et Christine. Il a fal­lu que mon cœur soit assez grand pour elles deux. Ça n’a pas tou­jours été facile. J’étais par­fois un peu per­due. J’ai cher­ché à lire des témoi­gnages de per­sonnes ayant vécu la même chose, mais je n’en ai pas trou­vé. Je ne savais pas com­ment me posi­tion­ner, si j’avais le droit d’exprimer mes diffi­cultés. Cela m’a fait gran­dir, m’a obli­gée à net­toyer mes bles­sures nar­cis­siques. Quatre mois et demi après le décès de Christine, Delphine a sou­hai­té me pré­sen­ter à sa famille et ses amis. Certains de ses proches n’ont pas bien vécu mon arri­vée, et je le com­prends… Un an après notre ren­contre, j’ai eu envie de faire un geste sym­bo­lique. J’ai emme­né Delphine en haut de la tour Eiffel, lui ai offert un bijou et lui ai deman­dé si elle aimait encore Christine. Cette fois-​ci, elle a su me répondre… » 

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