Domesticated, de Sébastien Tellier
Le sixième album studio de Sébastien Tellier est un hymne à l’amour emballé dans des gants Mapa. Désormais marié et père de famille, l’auteur de La Ritournelle puise son inspiration hédoniste dans le quotidien des tâches ménagères. Imaginez les Beach Boys sous la houlette de Mr Propre. Domestiqué, Sébastien Tellier, ce drôle d’animal à poils longs, prend sa part de charge mentale. Et avec cet homme de maison, l’ordinaire devient vite extra. Le disque s’ouvre sur un coup de Ballet synthétique qui nettoie les conduits auditifs à grand renfort de sax vaporeux et de claviers scintillants. Venezia dépoussière un groove très années 1980 (kitsch, choc et un peu cliché), dont on ne boude pas le plaisir. Sombre et hypnotique, Domestic Tasks donne son nom à l’album et annonce un monde soumis à une invasion extraterrestre de robots ménagers. Propulsé à l’Auto-Tune, Tellier déroule son funk cosmique (Hazy Feelings) comme d’autres passent l’aspirateur, avec la satisfaction du travail bien fait. Domesticated pourrait bien être la bande-son de cet étrange été que l’on s’apprête à vivre cantonnés dans nos foyers.
Domesticated, de Sébastien Tellier. Record Makers. Sortie le 29 mai.
Grand Prix, de Benjamin Biolay
Trois ans après le diptyque argentin Palermo Hollywood-Volver (2016−2017), Benjamin Biolay est de retour sur le circuit de la variété française. Il signe un neuvième album studio, Grand Prix, au charme racé. Un disque qui fait la part belle à la guitare, vrombissante et fuselée comme un bolide à l’ancienne. En pilote expérimenté, BB utilise toute sa panoplie, entre vague à l’âme post-rupture noyé sur le dancefloor (Comment est ta peine ?), touchante ritournelle en moteur Renaud (Ma route), pop orchestrée baignée de reverb façon The Last Shadow Puppets (Idéogrammes). Mené pied au plancher, Grand Prix en a sous le capot. Et, pourtant, Benjamin Biolay entrevoit avec une certaine sérénité le dernier tour de la vie (La roue tourne, Interlagos Saudade). C’est quand il pose ce regard mélancolique dans le rétroviseur que le chanteur est à son meilleur. Le fatalisme lui va bien.
Grand Prix, de Benjamin Biolay. Polydor/Universal. Sortie le 26 juin.
Sorceress, de Jess Williamson
Installée à Los Angeles, la jeune Texane Jess Williamson pare ses airs country folk d’atours pop envoûtants. Sur son quatrième album, le bien nommé Sorceress, elle traîne ses santiags dans une poussière psychédélique qui s’incruste jusqu’au cœur de l’âme. Avec sa voix de créature céleste, la chanteuse marche dans les pas de ses compatriotes Natalie Mering (Weyes Blood, signée sur le même label) ou Lana Del Rey. Jess Williamson fait rimer féminité avec liberté, qu’elle raconte l’histoire d’une mariée en cavale (Infinite Scroll), nous entraîne dans un western cosmique (How Ya Lonesome) ou nous plonge au « chœur » d’un gospel new age (Harm None). On se laisse vite amadouer par ce chapelet de chansons-prières aux paroles un brin mystiques et aux arrangements méticuleux de majesté.
Sorceress, de Jess Williamson. Mexican Summer/Modulor.