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La forêt enchan­tée de Fishbach

Quatre ans après À ta mer­ci, la chan­teuse relo­ca­li­sée dans les Ardennes sort, Avec les yeux, un deuxième album entre chien et loup, gla­mour et crépusculaire.

FISHBACH cLUKA BOOTH 1
Fishbach © Luka Booth

Par la fenêtre de sa mai­son, Flora Fischbach aper­çoit une rivière qui file dans la val­lée et, au loin, la forêt du parc natu­rel régio­nal des Ardennes. Après la tour­née de deux ans qui a sui­vi la sor­tie de son pre­mier album, À ta mer­ci (2017), la chan­teuse – qui a enle­vé le pre­mier « c » à son nom – a rega­gné les terres fami­liales du Grand Est. En ce jour de décembre, son vil­lage d’une poi­gnée d’âmes baigne dans le brouillard. Si son nou­veau disque s’intitule Avec les yeux, il suf­fit de prê­ter l’oreille à ses chan­sons pour per­ce­voir ce pay­sage de brume mys­té­rieuse et de sous-​bois de grand méchant loup. « Pour moi, la forêt n’a rien d’hostile. Enfant, c’était les cabanes, la décou­verte d’oiseaux bles­sés que l’on soi­gnait, c’était la vie, l’émerveillement. Il faut culti­ver ce sen­ti­ment. Mon père, un véri­table homme des bois, m’a appris à cueillir des cham­pi­gnons, des myr­tilles, l’ail des ours… C’est la plus belle des transmissions. »

Musique “maxi­ma­liste”

C’est bien la même femme qui chasse aujourd’hui les bolets avec son chien et s’affiche en bas résille et yeux de khôl dans le clip de Masque d’or, l’un des pre­miers extraits de son nou­vel album. Fishbach est irré­duc­tible. Multiple et sin­gu­lière. Comme un signe, son moment pré­fé­ré se situe entre chien et loup, à l’heure de la trans­for­ma­tion. Les dif­fé­rentes facettes de la tren­te­naire se dévoilent au fil d’Avec les yeux, une œuvre intense, sen­suelle, sur­réa­liste, trouble, osée. « Je me suis amu­sée à exa­gé­rer beau­coup de choses : les décors, les voix… Chaque chan­son est un tableau, un arrêt sur image d’un sen­ti­ment que j’ai eu. On est dans un night-​club pari­sien, on s’éclate, on chante fort, on danse et l’instant d’après, c’est une intros­pec­tion en pleine nature. Certains font de la musique mini­ma­liste, moi, je fais de la musique maxi­ma­liste. J’aime mettre des effets par­tout, des arran­ge­ments étranges, des cris, des paroles absurdes ou poé­tiques. Notre époque est un peu trop sérieuse, on a besoin dans la musique d’audace et d’expérimentation. » 

Cette liber­té et cette exu­bé­rance, l’artiste va les pui­ser dans le creu­set des sono­ri­tés des années 1980, dans des nappes de syn­thés envoû­tantes et des solos de gui­tare sinueux. « Le solo de gui­tare est un son extrê­me­ment fémi­nin, même s’il est sou­vent joué par un mec mus­clé en mar­cel, avec des che­veux longs. Le hard rock a un côté andro­gyne. Le solo est lyrique, sexy. J’en suis folle. C’est tom­bé en désué­tude, mais il y a plein de gens qui y sont encore sensibles. »

Fishbach sait tou­te­fois mesu­rer ses effets et ne perd jamais de vue l’émotion, por­tée par son timbre de faïence fêlée. « La voix est mon outil de pré­di­lec­tion. La gui­tare ou la basse sont comme des chan­teuses que j’entends dans ma tête. La voix offre un spectre d’exploration infi­nie et per­met de jouer avec son âge, ses sen­ti­ments… Depuis toute petite, je suis fas­ci­née par la façon dont les acteurs de dou­blage com­posent leur per­son­nage, notam­ment dans le ciné­ma d’animation. » Flora Fischbach a joué dans la série Vernon Subutex, sur Canal+. Si elle a tour­né dans deux courts-​métrages qui devraient sor­tir cette année, elle ne force pas son des­tin de ­comé­dienne. Elle sait que son métier de chan­teuse lui offre la liber­té de s’attribuer à chaque chan­son un nou­veau rôle.

Avec les yeux, de Fishbach. Sony Music. Sortie le 11 février. En tour­née à par­tir d’avril et en concert à L’Olympia (Paris) le 30 novembre.

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