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No(s) dames, un livre d’entretiens pour dégen­rer l’opéra et décons­truire ses codes

Un spec­tacle, un CD… avec No(s) dames, la com­pa­gnie UP TO THE MOON décline sur plu­sieurs sup­ports sa réflexion sti­mu­lante sur les héroïnes d’opéra et leurs des­tins impla­ca­ble­ment tra­giques. No(s) Dames devient éga­le­ment un livre d’entretiens qui contri­bue, lui aus­si, à dégen­rer à l’opéra.

L’idée est née de la fas­ci­na­tion du contre-​ténor Théophile Alexandre, pour le per­son­nage de Carmen. Comme presque toutes les héroïne d’opéra, la ciga­rière meurt à la fin de l’œuvre de Bizet. Cette fin dra­ma­tique n’est pas iso­lée dans l’art Lyrique. Norma est bru­lée vive, Salomé écra­sée, Juliette se sui­cide … Une fata­li­té ? Non. Interrogée sur le sujet, la met­teuse en scène Macha Makeïeff, est caté­go­rique : « Il est vrai que dans l’écriture dra­ma­tique, cette mise à mort récur­rente de l’héroïne appa­raît comme une faci­li­té, un pon­cif, l’expression sté­réo­ty­pée d’un fan­tasme de toute puis­sance. » De cette réflexion est né le spec­tacle No(s) dames, dans lequel, inver­sant les rôles tra­di­tion­nels, Théophile Alexandre incarne vingt trois divas au des­tin funeste. Pour par­faire la décons­truc­tion de genre, c’est un qua­tuor tota­le­ment fémi­nin, le Quatuor Zaïde, qui accom­pagne les arias.

Le spec­tacle (en tour­née) décli­né en un disque, est éga­le­ment le point de départ d’un livre qui en pro­longe aujourd’hui la réflexion. Un recueil d’entretiens, menés avec finesse par la jour­na­liste Arièle Butaux. Elle a inter­ro­gé douze femmes inter­pe­lées par la musique, le genre, l’opéra et le fémi­nisme, à dif­fé­rents titres. Ainsi la phi­lo­sophe Catherine Clément, la chan­teuse Juliette, la cheffe d’orchestre Laurence Equilbey, Brigitte Lefèvre qui fut direc­trice de la danse à l’Opéra de Paris, ou encore la met­teuse en scène Macha Makeïeff, déjà citée. Arièle Butaux a recueilli, confie-​t-​elle, « des mosaïques de sou­ve­nirs, de réflexions, d’anecdotes qui des­sinent les contours du fémi­nisme d’aujourd’hui et de notre rela­tion au genre ». En effet, la ques­tion cru­ciale qui revient dans ces entre­tiens est des plus déli­cates, et de celles qui nous inter­rogent dans bien des domaines de l’art aujourd’hui : « Peut-​on conti­nuer à faire vivre des œuvres sublimes, mais qui montrent des femmes humi­liées ou mal­trai­tées ? » « Il est évident, répond Laurence Equilbey, que nous devons conti­nuer à faire tra­ver­ser le temps aux chefs‑d’œuvre, même et sur­tout s’ils heurtent notre sen­si­bi­li­té. A nous de réflé­chir à la façon de les lire aujourd’hui sans leur ôter leur force… »

Le livre No(s) dames, affiche un sous-​titre allé­chant : « Réflexions sur les cor­sets de genre de notre culture ». Le Producteur et direc­teur artis­tique de la com­pa­gnie UP TO THE MOON, Emmanuel Greze-​Masurel, a veillé sur toute les étapes : « Notre com­pa­gnie ini­tie peu de pro­jets à la fois, mais cha­cun est tra­vaillé lon­gue­ment, comme une prise de parole glo­bale, qui sus­cite le débat et tente de faire pro­gres­ser les choses. Le pro­jet No(s) Dames dépasse la ques­tion des repré­sen­ta­tions des femmes dans l’opéra. Dans ce livre nous allons à la ren­contre d’autres artistes, des écri­vaines, chan­teuses, musi­ciennes, créa­trices, philosophes…mais aus­si des femmes qui ont des postes de res­pon­sa­bi­li­tés. Dans le domaine de l’Art, elles gèrent un héri­tage patriar­cal et sont ame­nées à réflé­chir et se posi­tion­ner sur les ques­tions de genre. Elles ont le pou­voir de faire avan­cer les choses. »

Au fil des pages on savoure le kaléi­do­scope des points de vues, sub­tils ou tran­chés. Comme ceux de Catherine Clément, épin­glant les mises en scène qui tentent d’adoucir le tré­pas de la Traviata : « Cette subli­ma­tion de la sainte me met en rogne car c’est une façon d’écarter le pro­blème, et de faire oublier que les hommes sont des salo­pards épou­van­tables dans cette œuvre ! Or se voi­ler la face, ce n’est jamais la bonne solu­tion pour avancer… »

Et pour encore davan­tage de cohé­rence, tous les béné­fices du livre seront rever­sés à l’Association Présence Compositrices, dédié à la pro­mo­tion des com­po­si­trices de toutes époques et toutes natio­na­li­tés. Bonne lecture !

Spectacle NO(S) DAMES, hom­mage dégen­ré aux héroïnes d’opéra avec le contre-​ténor Théophile Alexandre et le Quatuor Zaïde, mis en scène par Pierre-​Emmanuel Rousseau. Au Trianon de Paris le 9 Janvier 2023 et en tour­née dans toute la France : toutes les dates sur www.theophilealexandre.com

Livre : No(s) dames. Réflexions sur les cor­sets de genre de notre culture. Ed. Up to the Moon, 80 Pages, 30 euros. Disponible sur Boutique.causette.fr, Presencecompsitrices.com, NoMadMusic.fr

Le livre No(s) dames. Réflexions sur les cor­sets de genre de notre culture est dis­po­nible sur notre bou­tique en ligne !

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