Linda, un demi-​siècle de pros­ti­tu­tion et l'envie de pro­fi­ter du soleil qui reste

Forcée par son mari, Linda s’est pros­ti­tuée pen­dant plus de cin­quante ans sur les trot­toirs pari­siens. À 77 ans, elle vit désor­mais loin du maca­dam et raconte, dans le livre L’Ange de Pigalle, l’enfer de ses années de prostitution. 

linda bruno levy le 5836
©Bruno Lévy

Par un gla­cial matin d’hiver, une jeune femme vêtue d’un simple pull en laine mauve et d’une jupe plis­sée d’écolière arpente inlas­sa­ble­ment les rues pari­siennes, autour de l’imposante église de la Madeleine. « Elle avait la taill’ faite au tour, les hanches pleines, et chas­sait l’mâle aux alen­tours de la Mad’leine… », chan­tait Brassens dans son Mauvais Sujet repen­ti. Elle finit par s’engouffrer dans un hôtel miteux du bou­le­vard des Capucines, accom­pa­gnée d’un homme. Son der­nier client satis­fait, elle rentre, épui­sée, dans son petit appar­te­ment de Levallois, en ban­lieue pari­sienne, où l’attend Gérard, son mari, mais éga­le­ment son proxé­nète. Nous sommes le 15 février 1963 et Linda, 19 ans, se pros­ti­tue pour la pre­mière fois de sa vie. « Rapidement ins­truite par mes bons offices, pour­suit Brassens, elle m’investit d’une part d’ses béné­fices… On s’aida mutuel­le­ment, comm’ dit l’poète. Ell’ était l’corps, naturell’ment, puis moi la tête. » Pourtant, loin de l’image d’Épinal, évo­quée par le chan­teur, de la pros­ti­tu­tion rela­ti­ve­ment heu­reuse sous la pro­tec­tion d’un mac (au demeu­rant, par­ti­cu­liè­re­ment pleutre et para­si­taire dans la chan­son de Brassens), Linda a, elle, vécu pen­dant plus de trente ans une rou­tine faite de coer­ci­tion et de vio­lences de la part de son mari proxé­nète, qui la frap­pait lorsqu’elle ne rap­por­tait pas assez. Devenue indé­pen­dante à la mort de Gérard, elle va conti­nuer de se pros­ti­tuer jusqu’au prin­temps 2019, où elle croise la route de Jean Arcelin, rue Saint-​Denis. L’auteur de 55 ans sou­haite écrire la vie d’une pros­ti­tuée et Linda envi­sage depuis long­temps d’écrire la sienne. De cette ren­contre paraît, en mars 2021, le livre L’ange de Pigalle, aux Éditions XO.

Covid oblige, c’est par écran inter­po­sé que nous ren­con­trons Linda, assise sur un cana­pé crème en com­pa­gnie de Jean Arcelin et de son chi­hua­hua, Carla. À 77 ans, elle vit désor­mais loin des rues pari­siennes, dans son appar­te­ment de la rési­dence Beausoleil, sur la Côte d’Azur. Elle a d’ailleurs le teint hâlé des vieilles dames qui coulent des jours heu­reux sur la Riviera. Ce qui la dis­tingue, c’est sa sil­houette menue, presque fra­gile, stig­mate de ses années de souf­frances. Sa voix éraillée et sa peau ridée donnent l’impression qu’elle a vécu mille vies. 

La petite fille des Ardennes

Linda, de son vrai pré­nom Paulette, est née en 1943 dans le petit vil­lage de Givet, au cœur des Ardennes. De son enfance à la cam­pagne, la vieille dame garde des sou­ve­nirs heu­reux. Une famille ouvrière pauvre mais aimante, une mai­son en face de la forêt et beau­coup d’animaux. Dans la France d’après-guerre, la[…]

Vous êtes arrivé.e à la fin de la page, c’est que Causette vous passionne !

Aidez nous à accom­pa­gner les com­bats qui vous animent, en fai­sant un don pour que nous conti­nuions une presse libre et indépendante.

Faites un don

La suite est réservée aux abonné·es.

identifiez-vous pour lire le contenu

ou

abonnez-vous

 

Partager
Articles liés
matias north v8DSLoY80Xk unsplash

Nos trois recos bou­quins du week-end

Claire Berest, Salma El Moumni, Lilia Hassaine, Causette vous balade dans ses lec­tures d’octobre. Adieu Tanger, de Salma El Moumni Premier roman de Salma El Moumni, Marocaine de 24 ans, Adieu Tanger raconte très sub­ti­le­ment les deux facettes...