Littérature : le Prix Hors Concours cou­ronne un Griot

Pour sa sep­tième édi­tion, Le Prix Hors Concours est attri­bué à l’écrivain tcha­dien Nétonon Noël Ndjekery, pour son roman épique Il n’y a pas d’arc en ciel au para­dis paru aux édi­tions Hélice Hélas.

arc en ciel au paradis COUVHD

Seul de son espèce, le Prix Hors Concours (dont Causette est fière d’être par­te­naire) porte vaillam­ment depuis 7 ans ses cou­leurs hau­te­ment ori­gi­nales, puisqu’il cou­ronne des romans issus d’éditions indé­pen­dantes. Denrée qui devient de plus en plus rare, l’édition indé­pen­dante, en ces temps par­ta­gés entre flam­bée des matières pre­mières et mon­tée des eaux Bolloréennes. 

Juste retour des choses, cette année, le Prix cou­ronne un auteur qui se réclame de l’art des griots, farou­che­ment indé­pen­dants eux-​aussi, qui content libre­ment, sans maitres ni contraintes de vrai­sem­blance, l’Histoire comme ils l’entendent. 

Nétonon Noël Ndjekery, Tchadien et Suisse, comme il aime à le pré­ci­ser, a pour­tant com­men­cé sa vie dans l’univers prag­ma­tique de la science et des mathé­ma­tiques. Etudes brillantes et car­rière toute tra­cée. C’était sans comp­ter la puis­sance de la tra­di­tion fami­liale et du pou­voir des conteur·rices, qui l’ont fina­le­ment rame­né à eux·elles. 

Nétonon Noël Ndjekery – qui a reçu en 2017 le Grand Prix lit­té­raire National du Tchad pour l’ensemble de son œuvre- nous offre ici un livre épique, poé­tique, où l’on retrouve en effet le souffle des griots qui sait asso­cier les légendes, les mythes et la nar­ra­tion de l’Histoire la plus fac­tuelle. Il n’y a pas d’arc en ciel au para­dis raconte sept géné­ra­tions de traite d’esclaves, depuis la fin du XIXe siècle jusqu’en 2015. Il nous accroche dès les pre­mières pages hale­tantes, où l’on suit, au cœur de la forêt tcha­dienne, les aven­tures de Zeïtoun, un ado­les­cent cap­tu­ré pour être ven­du, qui par­vient à s’échapper. Il ren­contre alors deux fugitif·ves comme lui : Tomasta et Yasmina. Lui est eunuque, elle était la favo­rite d’un harem. Tous trois trouvent refuge sur une île extra­or­di­naire, qui dérive au milieu de « La Grande Eau », le lac Tchad. Et là, une socié­té nou­velle va être créée, véri­table terre d’accueil pour toutes celles et ceux qui sont menacé·es par les escla­va­gistes. Une belle uto­pie, qui comme toutes les utopies …

Le point de départ de ce roman, c’est un curieux sen­ti­ment de contra­dic­tion que l’auteur éprouve dès l’enfance. A la mai­son, on lui parle des ravages de la traite Transsaharienne, qu’on nomme aus­si Arabo-​musulmane, alors qu’à l’école les cours d’histoire portent sur le com­merce tri­an­gu­laire. L’écrivain va creu­ser la ques­tion et retra­cer l’histoire de cette traite dont on parle si peu. Pourtant, même si cer­taine pas­sage sont ter­ribles, sa langue fleu­rie, sa viva­ci­té, son humour savou­reux, font de ce récit un roman hau­te­ment addic­tif. Même si, le constat est ter­ri­fiant, l’esclavage est loin d’être éra­di­qué. En rece­vant son prix, Nétonon Noël Ndjékéry rap­pe­lait qu’en 2017, CNN avait réus­si à fil­mer une vente aux enchères clan­des­tine d’esclaves, en Libye. Il en concluait, faus­se­ment déta­ché : « On n’est pas sor­ti de l’auberge. »

Il n’y a pas d’arc en ciel au para­dis, de Nétonon Noël Ndjekery. Éditions Hélice Hélas. 376 pages, 20 euros 

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