Les éditions Textuel publient un superbe ouvrage collectif, Mémoires de nos mères, des femmes en exil. Dedans, neuf autrices issues de l'immigration livrent leurs visions subjectives, tendres, parfois déchirantes, de l'exode de leurs aînées et des silences qui les racontent.

« Cela fait plus de vingt ans qu'elle est morte, et elle reste enracinée dans ma tête, écrit Véronique Tadjo dans La beauté de ma mère. Peut-être que si je l'avais mieux aimée, elle serait partie en laissant sur son passage un souvenir doux-heureux. Au lieu de cela, elle tambourine contre la porte de ma mémoire. Elle sait que les morts ne vivent qu'à travers les vivants. Sans eux, ils ne sont que des os ensevelis dans la caverne du sol. » Ce texte compose, avec huit autres, le beau livre Mémoires de nos mères, des femmes en exil, publié le 9 novembre aux éditions Textuel.
Sous la direction de Laurence Campa, huit autrices françaises d'origine étrangère – Denitza Bantcheva, Ananda Devi, Hélène Frappat, Sorour Kasmaï, Leïla Sebbar, Véronique Tadjo, Jeanne Truong, Laura Ulonati – et elle-même retracent les parcours d'exode des femmes de leurs familles. Qu'elles viennent du Viet-Nam, de l'Iran, du Cambodge, de l'Italie, de l'Inde, qu'elles soient mères ou grand-mères, … ces figures maternelles ont peu dit du bouleversement que la grande Histoire a provoqué sur leurs histoires personnelles en les contraignant au départ. Elles ont peu parlé, ou à demi-mots, du déracinement ou encore de la nécessaire lutte pour l'adaptation sur une terre inconnue. Charge à leurs héritières de recomposer ce récit grâce aux bribes de souvenirs, aux photos, aux objets apportés ou racontés. Grâce à l'imagination, à l'interprétation des silences et au talent littéraire, surtout. Le résultat est un superbe ouvrage collectif dans lequel ces récits de diasporas féminines par leurs descendantes ont le goût universel de la transmission mère-fille, entre amour absolu et douloureux non-dits.
Causette : Comment est né le livre ?
Laurence Campa : Je[…]